Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 37e Législature,
Volume 139, Numéro 112
Le jeudi 2 mai 2002
L'honorable Dan Hays, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi de 2001 modifiant le droit criminel
- Projet de loi sur l'accession de la République populaire de Chine à l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce
- Le Sénat
- La Loi sur les aliments et drogues
- Projet de loi sur les canditatures de compétence fédérale
- L'étude préliminaire des principales questions de défense et de sécurité
- L'ajournement
LE SÉNAT
Le jeudi 2 mai 2002
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président pro tempore étant au fauteuil.
Prière.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA
LE CONFLIT DE TRAVAIL
L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, le 9e Gala des Prix Femmes de Mérite de la Fondation Y de Montréal s'est tenu hier. À cette occasion, l'implication de plusieurs femmes au sein de la société a été saluée.
Dans la catégorie «Communications», la palme est revenue à Mme Marie-France Bazzo, animatrice de la célèbre émission Indicatif Présent à Radio-Canada. En recevant son prix, cette excellente communicatrice a principalement axé son intervention sur le lock-out à Radio-Canada.
Avec son aimable permission, permettez-moi de vous citer quelques passages de son message, dont le contenu est entièrement en phase avec l'opinion que j'ai de ce conflit de travail.
Voici ce que Mme Bazzo a dit au sujet du lock-out:
Je suis touchée mais dans le sens d'ébranlée, parce que depuis presque six semaines, je n'allume plus, je ne communique plus, et pas que moi: tous mes collègues enfermés dehors, en lock-out à Radio-Canada.
Ce qui me trouble le plus dans cette situation, c'est le silence auquel est réduite cette radio. Cette version atrophiée de la télé est insultante pour le public qui paie pourtant, qui aime Radio-Canada, qui s'en ennuie et qui le dit.
Quand Radio-Canada est muette ... En ces temps de pensée quasi unique et de concentration de la presse, le débat démocratique s'affadit et perd un outil efficace, distinct, essentiel et fragile.
Au nom du respect de l'intelligence du public et pour la démocratie, je souhaite que cette situation cesse très bientôt.
Je suis tout à fait d'accord avec les propos de Mme Marie-France Bazzo. Je trouve aussi anormal qu'il faille, en 2002, encore recourir à la revendication syndicale pour en arriver à l'équité salariale entre hommes et femmes. On nous apprend qu'une entente est intervenue pour la mise sur pied d'un comité chargé de faire enquête sur la question de l'équité salariale à Radio-Canada.
Toutefois, ce que les dirigeants de Radio-Canada doivent savoir, c'est qu'il doit y avoir une période limite pour appliquer les résultats de cette étude. Elle ne devrait pas excéder trois ans.
(1340)
J'interpelle donc le gouvernement à prendre ses responsabilités pour amener Radio-Canada à en arriver à une entente négociée, dans l'intérêt de toutes les parties, mais également des contribuables qui assistent impuissants à ce bras de fer et qui souffrent de ne plus entendre cette radio et cette télévision de qualité auxquelles ils ont droit.
[Traduction]
LA CHASSE SPORTIVE
L'honorable Jim Tunney: Honorables sénateurs, je voudrais parler d'un sujet qui me préoccupe beaucoup et qui devrait préoccuper tous les Canadiens. Il s'agit d'une pratique relativement récente consistant à enfermer des animaux sauvages, notamment des cerfs, des wapitis, des orignaux et d'autres, dans de très vastes enclos où, en contrepartie de droits élevés, des personnes riches, le plus souvent des étrangers, entreprendront de massacrer ces bêtes. On appelle cela de la «chasse sportive».
Honorables sénateurs, cette activité n'est ni de la chasse ni du sport. Ce n'est plus du sport si les animaux sont enfermés dans un enclos. C'est comme «tirer sur des poissons dans un tonneau», selon une expression courante.
Ce type d'activité a ceci de dangereux qu'il peut donner lieu à des épizooties, par exemple la maladie de la vache folle et d'autres, auxquelles des animaux en liberté dans la nature ne seraient jamais exposés. L'ennui, c'est que les animaux sauvages commencent à se mêler aux animaux captifs dans ces enclos. Les animaux en liberté peuvent sauter par-dessus les clôtures, entrer dans ces enclos dont les animaux captifs ne peuvent pas s'échapper. Les animaux en liberté sont ainsi exposés aux animaux en captivité. Ils quittent ensuite ces enclos et propagent ces épizooties dans la faune. Les Canadiens doivent s'en inquiéter. Non seulement nos animaux sauvages en sont affectés, mais ils contaminent aussi nos animaux domestiques.
Honorables sénateurs, nous devons oeuvrer pour que soit interdite ce genre de chasse dans les meilleurs délais.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
PARTENARIAT TECHNOLOGIQUE CANADA
DÉPÔT DES RAPPORTS ANNUELS
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer en cette Chambre, dans les deux langues officielles, les rapports annuels de Partenariat technologique Canada pour l'année 1999-2000 et pour l'année 2000-2001.
[Traduction]
RÈGLEMENT, PROCÉDURE ET DROITS DU PARLEMENT
PRÉSENTATION DU TREIZIÈME RAPPORT DU COMITÉ
L'honorable Jack Austin, président du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, présente le rapport suivant:
Le jeudi 2 mai 2002
Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (anciennement intitulé le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure) a l'honneur de présenter son
TREIZIÈME RAPPORT
1. Conformément à l'ordre de renvoi du 4 décembre 2001, tel que modifié par la motion adoptée le 26 mars 2002, votre Comité a examiné la question du temps alloué aux hommages au Sénat.
2. Le temps consacré aux hommages préoccupe les sénateurs depuis un certain temps. Le 8 novembre 2001, le sénateur Jean Lapointe a donné avis qu'il attirerait l'attention du Sénat sur la question, et cette question a été abordée au Sénat le 8 novembre, le 20 novembre et le 21 novembre 2001. Le sénateur Lapointe a ensuite présenté, le 4 décembre 2001, une motion voulant que votre Comité examine le temps alloué aux hommages à la Chambre haute et fasse rapport à ce sujet. Tous les sénateurs qui sont intervenus sur la question au Sénat ont reconnu la nécessité de limiter le temps consacré aux hommages.
3. Votre Comité a étudié ce dossier à sa réunion du 17 avril 2002. La pertinence des hommages rendus au moment d'une retraite, d'une démission ou du décès de sénateurs, actuels et anciens, n'est pas remise en cause. Ce qui préoccupe surtout les sénateurs est le temps consacré aux hommages individuels. Ces hommages retardent les travaux ordinaires du Sénat, mais il y a plus encore. En effet, bon nombre de sénateurs se sentent obligés de participer aux hommages. Des comparaisons sont inévitablement faites entre la durée des hommages rendus dans chaque cas et le nombre de sénateurs ayant présenté des hommages.
4. Après avoir soigneusement examiné les divers aspects de la question et proposé des solutions — dont l'inscription des hommages au Feuilleton, la réservation, pour les hommages, de moments précis au cours de la semaine, la présentation d'hommages écrits à inclure dans le hansard, etc., votre Comité a conclu qu'il faudrait limiter strictement à 15 minutes le temps alloué aux hommages. C'est aux leaders du Sénat qu'il reviendra de décider du moment où les hommages seront rendus. En général, les hommages seront rendus au début de la séance. Il se pourrait que le leader du gouvernement et le leader de l'opposition, ou leurs remplaçants, prennent la parole en premier. Votre Comité ne croit pas que les discours individuels devraient dépasser trois minutes. Si un grand nombre de sénateurs désirent faire une intervention, il pourrait être nécessaire de réduire le temps de parole de chacun. Votre Comité estime sincèrement qu'un maximum de 15 minutes devrait suffire et qu'aucune permission de prolonger cette période ne devrait être demandée ou accordée.
5. Votre Comité tient à souligner que les sénateurs disposent de divers moyens de rendre hommage à d'anciens collègues. Ils peuvent le faire en recourant à des déclarations de sénateurs, à des motions et à des avis d'interpellation. Il est aussi possible de transmettre des félicitations, des voeux ou des condoléances ailleurs qu'au Sénat.
Par conséquent, votre Comité recommande que l'article 22 du Règlement du Sénat soit modifié par adjonction, après le paragraphe (9), de ce qui suit:
«Hommages
(10) À la demande du leader du gouvernement au Sénat ou du leader de l'opposition, la période des «déclarations de sénateurs» est prolongée d'au plus quinze minutes lors d'un jour donné afin de rendre hommage à un sénateur ou un ancien sénateur, ainsi que du temps supplémentaire que peut prendre la réponse visée au paragraphe (13).
Temps de parole
(11) Le Président informe le Sénat du temps accordé à chaque intervention d'un sénateur qui rend un hommage, laquelle ne peut dépasser trois minutes. Aucun sénateur ne peut parler plus d'une fois.
Aucune permission
(12) Si un sénateur demande la permission de prendre la parole après la période de quinze minutes réservée aux hommages, le Président ne peut mettre la question aux voix.
Réponse
(13) Lorsque tous les hommages ont été rendus, le sénateur qui est honoré peut y répondre.
Publications du Sénat
(14) Les hommages et la réponse visés aux paragraphes (10) à (13) apparaissent sous une rubrique distincte intitulée «Hommages» dans les Journaux du Sénat et les Débats du Sénat.
Précision
(15) Le présent article n'empêche pas un sénateur de rendre hommage à un autre sénateur ou un ancien sénateur à tout autre moment où le permet le présent règlement.
Autres hommages
(16) Le présent article n'empêche pas l'attribution de temps pour rendre hommage à des personnes autres que des sénateurs ou des anciens sénateurs.».
Respectueusement soumis,
Le président,
JACK AUSTIN, c.p.
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
(Sur la motion du sénateur Austin, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
DROITS DE LA PERSONNE
BUDGET ET DEMANDE D'AUTORISATION D'ENGAGER DU PERSONNEL ET DE SE DÉPLACER—L'ÉTUDE SUR L'ADHÉSION DU CANADA AUX INSTRUMENTS INTERNATIONAUX EN MATIÈRE DE DROITS DE LA PERSONNE—PRÉSENTATION DU RAPPORT DU COMITÉ
L'honorable A. Raynell Andreychuk, présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, présente le rapport suivant:
Le jeudi 2 mai 2002
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a l'honneur de présenter son
TROISIÈME RAPPORT
Votre Comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 21 février 2002 à examiner, pour en faire rapport, l'adhésion du Canada aux instruments internationaux en matière de droits de la personne et les modalités en vertu desquelles il adhère à ces instruments, les met en application, et en fait rapport, demande respectueusement qu'il soit autorisé à retenir les services d'avocats, de conseillers techniques et de tout autre personnel jugé nécessaire, et à se déplacer à l'étranger aux fins de son étude.
Conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant, sont annexes au présent rapport.
Respectueusement soumis,
La présidente,
A. RAYNELL ANDREYCHUK
(Le texte du budget figure à l'annexe A, p. 1565, des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
(Sur la motion du sénateur Andreychuk, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
LE BUDGET—L'ÉTUDE SUR L'EXÉCUTION DES DISPOSITIONS EXIGEANT L'EXAMEN DE LA LOI—PRÉSENTATION DU RAPPORT DU COMITÉ
L'honorable Lorna Milne, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant
Le jeudi 2 mai 2002
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son
SEIZIÈME RAPPORT
Votre Comité, autorisé par le Sénat le 25 mars 2002, à étudier et à faire rapport sur l'exécution des dispositions exigeant l'examen de la loi qui sont contenues dans une sélection de lois concernant les affaires juridiques et constitutionnelles, demande que des fonds lui soient approuvés pour 2002-2003.
Conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant, sont annexés au présent rapport.
Respectueusement soumis,
La présidente,
LORNA MILNE
(Le texte du budget figure à l'annexe B, p. 1573, des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
(Sur la motion du sénateur Milne, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
LA LOI SUR LA CONCURRENCE
LA LOI SUR LE TRIBUNAL DE LA
CONCURRENCE
PROJET DE LOI MODIFICATIF—RAPPORT DU COMITÉ
L'honorable Marie-P. Poulin, au nom du sénateur Kolber, présente le rapport suivant:
Le jeudi 2 mai 2002
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son
SEIZIÈME RAPPORT
Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et la Loi sur le Tribunal de la concurrence, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 5 février 2002, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport:
a) avec la modification suivante:
Page 37, article 14: remplacer la ligne 25 dans la version anglaise, par ce qui suit:
«tered 30 days after its publication»
b) avec les observations ci-annexées.
Respectueusement soumis,
Le président,
E. LEO KOLBER
(Le texte des observations figure à l'annexe C, p. 1579, des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
(Sur la motion du sénateur Poulin, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
PROJET DE LOI SUR LA PROTECTION DES PHARES PATRIMONIAUX
PREMIÈRE LECTURE
L'honorable J. Michael Forrestall présente le projet de loi S-43, Loi sur la protection des phares patrimoniaux.
(Le projet de loi est lu une première fois.)
(1350)
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Forrestall, l'étude du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
PÉRIODE DES QUESTIONS
LA SÉCURITÉ NATIONALE ET LA DÉFENSE
LES ÉTATS-UNIS—LE PROJET DE CRÉATION D'UN COMMANDEMENT DU NORD
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse au président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Elle porte sur l'annonce de la formation d'un Commandement du Nord, faite récemment par l'armée américaine.On a entendu beaucoup de contradictions sur la signification d'un tel commandement pour le Canada et, en particulier, sur les conséquences que cela pourrait avoir sur la souveraineté de notre pays. Je dois dire que plus je tente de suivre le débat à ce sujet, plus je suis confus.
Le président du comité, que j'espère ne pas prendre au dépourvu, connaît-il suffisamment bien le dossier pour nous fournir quelques explications et, espérons-le, pour nous rassurer un peu quant à la menace possible que ce projet fait peser sur la souveraineté du Canada, si nous devions décider d'y participer?
L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, j'aimerais remercier le sénateur Lynch-Staunton de sa question. Bien que je ne parle pas au nom du gouvernement, je peux dire tout de même que le comité s'est penché sur la question.
Lorsque les membres du comité se sont rendus à Washington, ils ont discuté du sujet avec les représentants des comités des forces armées du Sénat et de la Chambre des représentants et avec le secrétaire à la Défense, M. Rumsfeld. De plus, j'ai discuté de la question aujourd'hui même avec le chef d'état-major de la défense.
À mon avis, c'est une proposition très intéressante sur laquelle le Canada devrait se pencher sérieusement. Nous pouvons également maintenir notre participation actuelle au NORAD, qui assure une liaison directe entre les commandements américain et canadien. Le Canada la possibilité d'instituer un arrangement semblable pour ses forces navales et terrestres, arrangement qui serait comparable à celui qui existe actuellement à l'OTAN, soit le Commandant suprême allié de l'Atlantique, ou SACLANT.
Je vais décrire ainsi la situation à l'honorable sénateur: qui dans cette enceinte ne voudrait pas se joindre aux États-Unis en cas d'attaque contre l'Amérique du Nord? L'objectif de ce commandement est de protéger l'Amérique du Nord contre une attaque. Si notre continent est attaqué, selon moi, il n'est que logique que nous voulions réagir de façon conjointe.
L'objectif d'un tel commandement est de préparer des scénarios et de faire de la planification. La taille d'un commandement de ce genre est probablement relativement petite. Le nombre de militaires concernés au total devrait être de 300 à 400. Si le Canada devait y participer, il serait question de 30 à 50 gradés et hommes de troupes. C'est très peu d'effectifs.
Le malentendu, relativement à la souveraineté, découle du fait que certains pensent que des unités entières seraient placées sous le commandement d'un général américain. Il n'en est rien. Aucun des commandants en chef n'a des forces qui lui sont assignées de façon permanente. Ils effectuent les travaux de planification de façon régulière et s'adressent ensuite à d'autres commandants chargés de la mise sur pied d'une force lorsqu'ils ont besoin de troupes supplémentaires pour s'acquitter d'une mission déterminée.
Si les troupes canadiennes devenaient nécessaires dans une certaine situation, il faudrait tout d'abord demander aux autorités canadiennes leur approbation avant qu'elles ne soient engagées. On peut comparer cela à un système à deux commutateurs. Le commandant peut pousser sur le premier commutateur, pour signifier qu'il veut utiliser les troupes. Pour sa part, le gouvernement canadien va pousser sur un autre commutateur pour l'informer qu'il peut ou non le faire. Il faut que les deux commutateurs soient ouverts pour que les troupes canadiennes participent aux opérations. Ainsi, je ne vois pas comment notre souveraineté serait menacée.
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse également au président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.
Étant donné la complexité du Commandement du Nord et de toute cette question, pouvons-nous être assurés, dans la mesure où le sénateur est en mesure de le faire, que lorsque le Sénat sera saisi de cette question, elle sera renvoyée au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense?
Le sénateur Kenny: Honorables sénateurs, comme le sénateur le sait, j'en suis persuadé, j'ai peu d'influence dans le renvoi des questions aux comités sénatoriaux. Je dois dire au sénateur que si le Sénat choisissait de renvoyer cette question à notre comité, je serais, pour ma part, heureux de me pencher là-dessus. Cependant, c'est au Sénat qu'il incombera de décider à quel comité il veut renvoyer cette question.
Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je comprends la position du président du comité. Je me joins à tous les sénateurs pour exprimer l'espoir que la santé du leader du gouvernement se rétablisse bientôt et qu'elle soit de retour parmi nous la semaine prochaine.
Puis-je demander au leader adjoint du gouvernement au Sénat de transmettre cette question au leader du gouvernement en tant qu'avis, de même que la vive recommandation de saisir de cette question le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, car il serait beaucoup plus approprié de l'en saisir même si elle concerne essentiellement les transports?
L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, ma question complémentaire s'adresse elle aussi au président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Elle fait suite à l'observation exprimée par le sénateur Lynch-Staunton.
Comme le président, le sénateur Kenny, le sait sans doute, l'ancien ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, a rendu public un rapport du Liu Centre for the Study of Global Issues au sujet du Commandement du Nord. Lundi, M. Axworthy témoignera devant le Comité des affaires étrangères de la Chambre des communes qui siégera à Vancouver.
Est-il possible que le Comité de la sécurité nationale et de la défense entende M. Axworthy à ce sujet?
Le sénateur Kenny: Honorables sénateurs, tout est possible je suppose.
Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, je suppose que n'importe quoi dans le monde entier est possible. Cependant, ce que je demande en réalité, c'est si le comité sénatorial cherchera à entendre l'opinion de M. Axworthy à ce sujet.
LES ÉTATS-UNIS—LE RAPPORT DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE SUR LA CRÉATION D'UN SYSTÈME DE DÉFENSE ANTIMISSILES
L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, selon un rapport rendu public par le ministère canadien de la Défense nationale que les États-Unis cherchent à établir une partie de leur système de défense antimissiles sur la côte est du Canada afin de donner aux États-Unis un avantage temporel pour détruire lesmissiles en provenance de pays du Moyen-Orient. Le président du Comité de la sécurité nationale et de la défense peut-il nous dire si son comité a pris note de ce rapport, qu'a publié récemment le ministère de la Défense nationale, conformément à la Loi sur l'accès à l'information?
(1400)
L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, la réponse à la première partie de la question, c'est que nous ne projetons pas de le faire actuellement. La réponse à la deuxième partie de la question est non.
LES ÉTATS-UNIS—LE PROJET DE CRÉATION D'UN COMMANDEMENT DU NORD—LES CONSÉQUENCES POUR LE NORAD
L'honorable Norman Atkins: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. La création d'un commandement du Nord a-t-elle des conséquences pour nos accords du NORAD?
L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je crois qu'il est juste de dire que l'accord que nous avons signé à l'égard du NORAD deviendrait une composante du nouveau commandement. Cet accord existe déjà. Il est là, il fonctionne et il est efficace. Si le Canada devait assurer une participation ultérieure au Commandement du Nord, ou CINC Nord, l'accord du NORAD serait manifestement toujours en place. Il faudrait conclure d'autres accords pour englober les forces navales et terrestres, si le Canada jugeait qu'il est dans son intérêt de faire participer ces forces au nouveau commandement.
LA RÉGIE INTERNE
LE POURCENTAGE DU BUDGET DU SÉNAT ALLOUÉ AUX TRAVAUX DES COMITÉS
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse au président du Comité de la régie interne. Étant donné que nous procédons actuellement à l'approbation des budgets alloués aux divers comités, l'honorable sénateur pourrait-il dire au Sénat quel pourcentage du montant total inscrit dans le budget du Sénat pour les comités sénatoriaux serait engagé, si jamais les crédits de tous les comités étaient approuvés? Combien de fonds sont engagés et combien en reste-t-il d'ici la fin de l'exercice?
L'honorable Richard H. Kroft: Honorables sénateurs, si je comprends bien, la question vise à déterminer combien de fonds ont été engagés sur le montant alloué aux comités. Le sénateur Furey étant présent, il pourra me corriger en cas d'erreur.
Le montant total inscrit au budget s'élève à 1,8 million de dollars et je crois que 1,6 million de dollars sont engagés et que 200 000 $ sont versés dans un fonds de prévoyance. Si je me trompe, l'erreur est de 100 000 $, de sorte que le fonds de prévoyance est de 100 000 $.
L'honorable George J. Furey: Honorables sénateurs, le sénateur a raison, à une exception près. Il y avait un fonds de prévoyance de 200 000 $, mais le Comité de la régie interne a affecté 70 000 $ de ce montant au comité du sénateur Nolin.
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je rappelle à l'honorable sénateur Furey que les questions ne peuvent être adressées qu'à la présidence.
LE POURCENTAGE DU BUDGET DU SÉNAT ALLOUÉ AU COMITÉ DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, hier le président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a décrit l'importante étude sur les soins de santé entreprise par son comité. Cette étude est admirable et est typique de l'excellence des travaux des comités sénatoriaux qui sont de loin beaucoup plus efficaces et moins coûteux que les commissions royales d'enquête lorsqu'il s'agit d'examiner un dossier politique donné.
Toutefois, honorables sénateurs, le président du comité nous a avertis qu'il restera probablement à ce comité beaucoup de travail à abattre durant cet exercice, après la publication du rapport de la commission Romanow. Comme le sénateur Furey l'a mentionné, il y a moins de 200 000 $ dans le fonds de prévoyance. Au cours de l'étude du budget du Comité de l'énergie, le sénateur Taylor a mentionné la possibilité de demander des crédits supplémentaires.
Mes questions s'adressent au président du Comité de la régie interne. Selon l'honorable sénateur, y a-t-il assez d'argent en réserve pour répondre aux besoins du sénateur Kirby? Deuxièmement, dans sa planification pour imprévus, son comité envisage-t-il de présenter un budget supplémentaire des dépenses?
L'honorable Richard H. Kroft: Honorables sénateurs, on ne peut jamais se prononcer de façon définitive tant qu'on ne connaît pas la situation. Toutefois, pour répondre à la première question, si l'on se fonde sur les affectations actuelles, et si tout l'argent est dépensé, il n'y aura pas assez d'argent pour fournir les fonds supplémentaires qu'exige la prochaine étape des travaux du comité du sénateur Kirby.
Honorables sénateurs, il existe deux solutions possibles. L'une consiste à suivre l'évolution des programmes de dépenses et à contrôler effectivement les dépenses des divers comités au fil des prochains mois. Il existe des pratiques et des mécanismes en vertu desquels l'argent non dépensé par un comité nous revient et peut être réaffecté. En raison des incertitudes entourant les prévisions budgétaires, il se pourrait fort bien que des fonds se libèrent ainsi dans le cadre de l'enveloppe actuelle.
Sinon, et si le sous-comité du Comité de la régie interne juge qu'il existe un besoin dans ce dossier en ce qui concerne toute question affectant les activités du Sénat, nous envisagerions la possibilité de présenter à la Chambre, à une date ultérieure, une recommandation concernant le Budget supplémentaire des dépenses.
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au président du Comité de la régie interne.
La vaste majorité des présidents des différents comités se sont-ils engagés à vivre selon leur budget? Il est louable qu'ils soient disposés à agir de la sorte pendant le reste de l'exercice, et il y a lieu de les en féliciter. Je crois qu'il y avait seulement deux comités dans cette situation, soit le Comité de la sécurité nationale et de la défense et le Comité des affaires sociales. On ne sait toujours pas ce qu'il en est du Comité des banques et du Comité des droits de la personne. Dans l'ensemble, ils ont pris cet engagement.
Honorables sénateurs, compte tenu de cet engagement, peut-être pourrait-on trouver le montant requis pour permettre au comité du sénateur Kirby de terminer son étude, et peut-être cet argent pourrait-il être réuni avec la collaboration des autres comités.
Le sénateur Kroft: Honorables sénateurs, je ne suis pas convaincu que c'est vraiment un problème. Selon moi, l'honorable sénateur a mentionné un espoir, et je l'ai certes entendu.
Le Comité de la régie interne a pour tâche non pas de dépenser le moins d'argent que possible, mais de le dépenser de manière aussi judicieuse que possible. Si le Sénat estime que le travail du comité du sénateur Kirby, ou de tout autre comité, est une priorité qu'il veut faire avancer, le Comité de la régie interne travaille alors en coopération avec tous les comités afin de respecter les priorités que le Sénat juge importantes.
LA CITÉ PARLEMENTAIRE—LES MODIFICATIONS AUX SERVICES DE SÉCURITÉ
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, ma question s'adresse elle aussi au président du Comité de la régie interne. Hier, j'ai soulevé, durant la période réservée aux déclarations de sénateurs, une question que je vais maintenant lui poser en l'absence du leader du gouvernement au Sénat.
(1410)
J'ai fait hier une déclaration concernant des changements qui pourraient être apportés à la sécurité. Ce n'est pas nouveau. Depuis 25 ans, on propose des plans formidables pour la colline. J'ai entendu parler d'interdire les voitures sur la colline pour la première fois il y a environ 25 ans.
Je demanderais à l'honorable sénateur s'il pourrait nous donner l'assurance que, avant de procéder au moindre changement, il y aura des consultations multiples, particulièrement auprès des parlementaires qui ont une opinion très tranchée sur de la question. Nous savons pertinemment que, en temps de crise, il y a toujours des gens qui profitent de la crise, de la paranoïa et de la peur pour procéder subrepticement à des changements. Une fois que les changements sont apportés à notre institution, il est très difficile de les modifier ou de les éliminer. Pouvons-nous avoir l'assurance du président du comité que de nombreuses discussions auront lieu avant que nous n'acceptions le plan directeur relatif à la présence de la GRC dans les locaux du Parlement, ou certains autres changements?
Je le répète, ce débat suscite énormément de tristesse parmi nos gardes. Ils n'en parleront pas en public. Nous le savons pertinemment. Ce sont des gens très disciplinés. Toutefois, si on tient à cette institution et si on leur parle individuellement, on s'aperçoit qu'ils sont mal à l'aise. Ils aimeraient savoir ce qui va se passer. Je pense que le président du comité est en mesure de nous aider à réfléchir et à leur donner des réponses.
L'honorable Richard H. Kroft: Honorables sénateurs, bien entendu, il n'y aura, dans les dispositions sur la sécurité au Sénat, aucune modification d'importance sans un débat complet au Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Les séances de ce comité sont ouvertes à tous les sénateurs, qui peuvent venir y assister et y participer, comme mon honorable collègue le fait souvent.
Je peux donner l'assurance que toutes les délibérations sont empreintes de respect pour toutes les traditions du Sénat. Il n'y a nulle part de grand plan directeur sournois, mais il ne faut pas non plus craindre le changement, si le changement est utile et productif, et s'il sert les intérêts de notre institution.
[Français]
LA POSSIBILITÉ D'UN BUDGET DE DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRE
L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au président du Comité de la Régie interne, des budgets et de l'administration. Ai-je bien compris lorsqu'il a dit que s'il manquait de fonds d'ici la fin de l'année, un budget supplémentaire serait proposé?
[Traduction]
Ai-je bien compris?
L'honorable Richard H. Kroft: Honorables sénateurs, je n'ai pas dit qu'il y en aurait un ou qu'il n'y en aurait pas. J'ai dit que la possibilité d'un budget supplémentaire était là. La décision définitive sera prise en temps voulu à l'automne. On ne peut rien faire maintenant à propos des budgets supplémentaires.
Ma réponse portait sur les budgets des comités. Avec le temps, on s'aperçoit mieux des besoins réels, lorsqu'on voit ce que les comités dépensent. Je n'ai pas répondu par un non catégorique, et il est certainement possible d'accorder des ressources supplémentaires aux comités pour des raisons budgétaires ou autres.
LE SÉNAT
L'ABSENCE DU LEADER DU GOUVERNEMENT—LA POSSIBILITÉ D'UN PRÉAVIS
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader adjoint du gouvernement au Sénat. Lorsque madame le ministre ne peut pas être là, peut-on nous en informer? En ce moment, nous sommes en plein désastre en Colombie-Britannique à cause de ces droits de douane que les États-Unis prélèvent sur notre bois d'oeuvre. J'aurais sans doute pu faire une déclaration durant la période réservée aux déclarations de sénateurs si j'avais su que madame le leader du gouvernement au Sénat ne serait pas présente.
Je ne sais pas si mon intervention est réglementaire. Je sais qu'il est antiréglementaire de mentionner l'absence d'un sénateur au Sénat, mais je me demande s'il ne serait pas possible qu'on nous avise avant la séance lorsque madame le leader du gouvernement au Sénat s'absente, elle qui est normalement là, en plus des présidents de comités concernés, pour répondre aux questions. Nous pourrions alors aborder des questions importantes pour certaines de nos régions, par exemple celle des droits de douane qu'impose aujourd'hui la Commission du commerce international des États-Unis sur notre bois d'oeuvre.
[Français]
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je tiens compte de l'intervention du sénateur St. Germain quant à savoir si on devrait aviser tous les honorables sénateurs de l'absence du leader du gouvernement.
En son absence, je peux noter les questions qui lui sont adressées afin qu'elle puisse répondre par le biais de réponses différées.
VISITEURS DE MARQUE
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je tiens à signaler la présence dans nos tribunes du Forum pour jeunes Canadiens.
[Traduction]
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue au Sénat du Canada.
L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, après avoir entendu Son Honneur présenter le Forum pour jeunes Canadiens, beaucoup d'entre nous n'ont pas pu prendre le petit-déjeuner en leur compagnie. Certains d'entre nous devaient siéger à des comités très tôt ce matin. Je veux simplement présenter mes excuses à ceux qui n'ont pas vu les sénateurs de leurs provinces qu'ils espéraient rencontrer ce matin.
Son Honneur le Président pro tempore: Vos excuses sont acceptées.
ORDRE DU JOUR
PROJET DE LOI DE 2001 MODIFIANT LE DROIT CRIMINEL
MESSAGE DES COMMUNES—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, c.p.,
Que le Sénat n'insiste pas sur l'amendement numéroté 1a) au projet de loi C-15A, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, auquel la Chambre des communes n'a pas acquiescé; et
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, le sénateur Nolin a parlé de cette question et de la motion du sénateur Carstairs. Je tiens à faire inscrire au compte rendu quelques-unes de mes observations et réflexions dont certaines réitèrent ce que j'ai déjà dit au comité.
L'article sur la pornographie juvénile proposé dans le projet de loi C-15A stipule que
Quiconque transmet, rend accessible, distribue, vend, importe ou exporte de la pornographie juvénile ou en a en sa possession en vue de la transmettre, de la rendre accessible, de la distribuer, de la vendre ou de l'exporter, est coupable, et cetera.
Le mot «transmet» nous met mal à l'aise.
Nous savons que, dans notre monde moderne, ceux qui fournissent le matériel ne sont pas tenus de vérifier ce qui est transmis grâce à leur matériel. Cependant, il s'agit là d'une coutume et non d'une loi. Voilà maintenant qu'un article qu'on se propose d'inclure dans le Code criminel dit que, sans exception, quiconque transmet un document comportant de la pornographie juvénile sera coupable.
Lorsqu'il a comparu devant nous, le ministre a dit qu'il n'avait jamais eu l'intention d'attaquer le secteur industriel. Peut-être, mais le ministre n'a aucun moyen de garantir que les tribunaux et les forces policières — le système d'administration de la justice — ne prendront pas les mots au pied de la lettre, de telle sorte que quiconque transmet — et j'insiste sur quiconque — sera reconnu coupable. Le ministre a fait savoir que le gouvernement n'avait pas l'intention de poursuivre les fournisseurs de matériel servant à la distribution et à la transmission, mais rien dans nos lois, dont le Code criminel, n'empêche qu'on le fasse.
(1420)
Le ministre a beau dire que ce n'est pas l'intention du gouvernement mais, dans un procès et dans l'administration de la justice, tous les agents responsables ont un pouvoir discrétionnaire. Ils peuvent l'exercer dans les limites de la loi. Comme les Canadiens sont très préoccupés par la pornographie juvénile, si, dans certaines provinces, des pressions sont exercées sur le système de justice pour qu'on se débarrasse des adeptes de la pornographie juvénile et qu'on les punisse, n'a-t-on pas raison de croire que quelqu'un pourrait être accusé d'avoir fourni le matériel? Il pourrait être traîné devant les tribunaux et un procureur, un juge ou quelque autre responsable de l'administration de la justice pourraient fort bien en arriver à la conclusion qu'il ne doit y avoir aucune exception, car la loi n'en prévoit aucune. En conséquence, pour qu'il soit bien clair qu'on n'a jamais eu l'intention de poursuivre les fournisseurs de matériel — le sénateur Nolin nous a expliqué la chose avec force détails — nous avons présenté un amendement. Le comité puis le Sénat l'ont adopté, et le projet de loi a été envoyé à l'autre endroit.
Ce qui m'inquiète le plus, c'est que nous sommes en train de politiser un débat si important.
Si vous examinez les interventions des deux camps opposés, vous constaterez que le débat a été politisé. Les sénateurs, tant du côté ministériel que du côté de l'opposition, ont prétendu qu'ils protégeaient beaucoup mieux les enfants que les sénateurs de l'autre camp. Pourtant, leurs méthodes ne diffèrent pas tellement. Personne ne s'est demandé pourquoi nous voulons obliger nos tribunaux à juger des causes qui ne méritent pas d'être jugées. Voulons-nous ainsi surcharger nos tribunaux? Devrions-nous saisir les tribunaux de questions qui se révèleront de nature purement technique? Pourquoi ne pas clairement laisser savoir à la population qu'il n'a jamais été dans notre intention de nous en prendre à ceux qui fournissent le matériel?
Si ceux qui fournissent le matériel uniquement dans le but de le transmettre l'utilisent aussi pour fournir sciemment de la pornographie juvénile, et ce, en profitant de leur position privilégiée, ils seront visés par la loi et la police les aura certainement sous surveillance. Cependant, si aucune disposition de la loi n'oblige les fournisseurs de matériel à surveiller ce qui est transmis par l'intermédiaire de ce matériel et si le gouvernement n'a pas l'intention de prévoir une telle disposition, leSénat est d'avis qu'il faut l'indiquer expressément afin d'éviter d'éventuelles contestations judiciaires à l'avenir. Le but est d'éviter de consacrer des ressources et du temps à d'innombrables appels dans des affaires qui ne méritent pas d'être jugées. Il serait nettement préférable d'apporter ce genre de précisions dans la loi, comme nous l'avons fait. Il serait alors possible de consacrer des ressources à la répression des contrevenants, ce qui était l'intention de la disposition.
La loi ne devrait être ni contradictoire ni équivoque.
Honorables sénateurs, cette disposition suscite de vives émotions. Un juge ou un procureur pourrait, en l'interprétant, déterminer qu'elle s'applique à tout le monde, y compris aux fournisseurs de matériel. Au cas où un tribunal dirait: «Non, ces fournisseurs ne sont pas visés parce que nous avons tenu compte de l'intention du législateur», on peut imaginer le tollé qu'il y aurait si une accusation de pornographie juvénile devait, pour ce motif, être annulée.
Une fois de plus, nous blâmerons les tribunaux plutôt qu'une loi mal rédigée. Nous dirons: «Les tribunaux activistes ont encore fait des leurs.» Après vingt ans de Charte des droits et libertés, quand nous avons dit le mois dernier que les parlementaires avaient le devoir de faire des lois claires, de défendre la Constitution et de légiférer dans l'intérêt public...
Son Honneur le Président: Je regrette de vous interrompre, sénateur Andreychuk.
Honorables sénateurs, il y a une perturbation qui nous empêche d'entendre le sénateur Andreychuk. Je demande aux sénateurs de bien vouloir s'asseoir et s'abstenir de faire du bruit.
Le sénateur Andreychuk: Je m'apprêtais à parler plus fort parce que je pense que c'est une question importante. J'ose espérer que les sénateurs présents comprennent ce qui est en jeu.
Ce qui est en jeu, c'est qu'il nous incombe en tant que parlementaires d'adopter des lois qu'il est possible de mettre en vigueur, que le public peut appuyer et qui ne créent pas de divisions. Le comité a reconnu qu'il se pourrait que les fournisseurs de matériel soient poursuivis en vertu de la loi. J'utilise ce terme dans son sens générique. Nous voulons poursuivre les responsables de la pornographie juvénile. Nous avons choisi un moyen et avons, en conséquence, proposé notre amendement.
La Chambre a choisi d'en faire abstraction. Je crois qu'il est important pour le comité de réfléchir à d'autres moyens de préciser le sens de la disposition. Peut-être le ministre devrait-il venir au comité et dire: «Je vais écrire une lettre d'entente promettant qu'il y aura des ressources pour sensibiliser les tribunaux du pays au fait que notre intention est de poursuivre les responsables.» Peut-être y a-t-il un autre genre d'amendement.
Toutefois, il me semble que la question est tellement importante que nous ne pouvons pas la traiter comme une affaire de routine. La Chambre nous a dit qu'elle n'acceptait pas nos amendements, que nous ne devrions pas en proposer.
Nous parlons ici d'enfants. Si nous nous soucions de leur bien-être, nous ne devons pas politiser cette question, comme l'a fait la Chambre des communes. Je vous encourage tous à lire les débats. Nous aimons tous nos enfants. Nous voulons tous les protéger.
Honorables sénateurs, il est bon que le Sénat puisse aborder la pornographie juvénile sans esprit partisan, car nous nous soucions vraiment des enfants et voulons que la loi le montre clairement. Cette loi le fait pas.
Honorables sénateurs, un récent jugement rendu en Colombie-Britannique accorde la défense du mérite artistique à ceux qui se livrent à la pornographie juvénile. Nous savons que cela a provoqué un tollé, mais certaines des critiques étaient mal conçues parce qu'elles attaquaient le juge. Celui-ci a usé d'une façon appropriée de son pouvoir d'appréciation. Peut-être n'a-t-il pas abouti à la même décision que moi, mais la réaction de l'opinion publique était du genre émotif que j'aurais pu prévoir. La réaction consistait à s'en prendre au juge et à sa famille, ce qui était totalement inacceptable.
Il me semble donc que si nous voulons combattre la pornographie juvénile, nous devons clarifier le projet de loi. Le Sénat a la possibilité de faire vraiment quelque chose au sujet de la pornographie juvénile. Nous pouvons non seulement clarifier le projet de loi, mais aussi examiner la défense en cause et en limiter l'application plus que la Cour ne l'a fait.
La Cour a agi d'une façon appropriée. Elle avait un choix à faire et elle l'a fait. Son choix n'était probablement pas celui que j'aurais fait. Toutefois, le Parlement a le droit de déterminer en quoi consiste une défense acceptable. Nous rendrions service aux gens, partout au Canada, en utilisant ce projet de loi non seulement pour clarifier la disposition que nous a signalée le sénateur Nolin, mais aussi pour prévoir la défense qui serait acceptable dans les circonstances, une défense qui serait plus limitée, plus équilibrée et plus favorable aux intérêts des enfants. Nous pouvons le faire ici. Nous pouvons le faire maintenant. Nous n'avons pas besoin d'une nouvelle loi. Nous n'avons pas besoin d'autres amendements.
C'est une occasion en or. J'exhorte les sénateurs du gouvernement à repenser à ce qu'a dit le comité. Tous les membres du comité ont pris la pornographie juvénile très au sérieux. Le comité croit à l'élaboration de lois claires dans l'intérêt public. Nous devons user de cette expérience pour changer ce projet de loi tout de suite.
(1430)
L'honorable Tommy Banks: Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?
Le sénateur Andreychuk: Certainement.
Le sénateur Banks: Honorables sénateurs, je n'oserais certainement pas parler des dernières observations de l'honorable sénateur, car je ne connais pratiquement rien du point de vue juridique. Cependant, la première partie de ses observations concernait la radiodiffusion, un sujet que je connais.
De nos jours, la délimitation autrefois claire entre la radiodiffusion que je pourrais qualifier de conventionnelle, d'une part, et la diffusion par Internet, d'autre part, est en train de devenir nébuleuse. Les propriétaires franchissent constamment cette ligne de démarcation, si bien que celle-ci commence à s'estomper.
J'ai une préoccupation, au bout du compte, et je voudrais faire appel à vos compétences juridiques. Si nous empêchions que des accusations soient portées contre les fournisseurs de matériel, pourrait-on, à la limite, décider que le propriétaire d'un système de radiodiffusion classique — c'est-à-dire un exploitant qui diffuse au moyen d'une antenne et non pas du câble — ne peut être accusé d'avoir diffusé de la pornographie au moyen de cette antenne ou de l'avoir diffusée par le biais de cette antenne sur le câble, mais que seuls les producteurs de cette pornographie peuvent être poursuivis?
J'envisage l'avenir, mais l'avenir est flou et j'ai des craintes quant au risque d'incrimination.
Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, je n'ai pas de compétences dans ce domaine non plus, alors nous partons sur un pied d'égalité.
Si je comprends bien les hauts fonctionnaires du gouvernement et de l'industrie, nous parlons de ceux qui fournissent l'équipement, c'est-à-dire le moyen de diffusion. Ils n'ont aucun moyen de savoir ce qui est diffusé et ils n'ont pas d'obligation de contrôle à cet égard en vertu de la loi. Je ferai une comparaison. Comme le sénateur Nolin l'a signalé dans son discours et au sein du comité, les compagnies de téléphone fournissent les appareils et les lignes téléphoniques. Elles ne sont toutefois pas responsables de ce qui est transmis, elles ne sont pas responsables des propos que les gens échangent au téléphone.
Même chose avec la nouvelle technologie. Si le fournisseur de matériel ne sait pas ce que son matériel transmet, il ne peut pas être tenu responsable. En revanche, il n'est pas à l'abri de poursuites. S'il ne fait rien alors qu'il sait ce que son matériel sert à transmettre, il est coupable. Il n'est pas question de laisser adopter une attitude de laissez-faire. Les fournisseurs se limitent à fournir le matériel. On ne leur demande pas de surveiller le moindre signal numérique, entre autres. Aucune loi ne les y oblige.
Toutefois, ils ont la responsabilité de signaler la transmission de pornographie juvénile. S'ils sont des adeptes de la pornographie juvénile, ils sont coupables. La surveillance devrait se faire en vertu de la Loi sur les télécommunications. On m'a dit que ce serait très coûteux autrement, voire impossible.
Pourquoi tenir responsable quelqu'un qui fournit l'équipement que nous voulons tous et que nous utilisons tous? Le fournisseur n'est pas tenu de garantir ce qui se passe sur la ligne. C'est différent d'un télédiffuseur et d'un journal, mais semblable à l'ancien système téléphonique. Le fournisseur n'est pas plus tenu que vous et moi de savoir ce qui est transmis.
Son Honneur le Président: Sénateur Andreychuk, je regrette de vous informer que votre temps de parole est écoulé.
Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, je demande que l'on m'accorde encore quelques instants.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Oui, pour quelques instants seulement.
L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'ai de la difficulté à comprendre l'argument du sénateur Andreychuk selon lequel le fournisseur de matériel ne devrait pas être tenu responsable. Le sénateur a inversé l'argument de sorte que les fournisseurs de matériel peuvent agir impunément. Cela me rappelle le temps où les barmans pouvaient servir à un client tous les verres d'alcool qu'il voulait. Ils peuvent maintenant être poursuivis s'ils le font. Le sénateur a ouvert un trou plus grand en face que celui que nous tentons de boucher de ce côté-ci.
Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, je me réjouis que le sénateur Robichaud m'ait donné le temps d'expliquer. C'est exactement cela: la plupart d'entre nous ne savent pas de quoi ils parlent quand il s'agit de ce matériel.
Le sénateur Taylor: J'invoque le Règlement. Madame le sénateur dit toujours «il» quand elle parle des pornographes. Je veux que ce soit un argument asexué.
Le sénateur Andreychuk: Je remercie le sénateur de me le signaler. Dorénavant, si j'emploie le pronom personnel «il», cela voudra dire «il» ou «elle».
C'est un domaine très technique. La question que j'entends maintenant, c'est pourquoi les fournisseurs devraient-ils être exemptés? Si nous ne les exemptons pas, le gouvernement doit alors refaire son ouvrage parce qu'il a dit qu'ils les exemptait. Si nous voulons maintenant qu'ils soient tenus responsables du fait de fournir le matériel, nous devons alors modifier la loi parce que cela n'a jamais été l'intention du gouvernement.
Ce qui m'inquiète, c'est la confusion qui entoure cette question. Les compagnies de téléphone fournissent les lignes et les cabines téléphoniques, et aussi maintenant les combinés, mais elles ne sont pas responsables des conversations téléphoniques entre les gens. Il en va de même des fournisseurs de logiciels. Ils installent les logiciels de transmission et sont responsables de leur entretien, mais ils ne contrôlent pas les transmissions. Les transmissions se comptent par millions, et ce ne sont pas leur responsabilité, sauf, bien sûr, si le gouvernement en décidait autrement. Mais il faudrait alors adopter une loi en conséquence.
Le gouvernement dit plutôt qu'aucune loi n'autorise les fournisseurs à surveiller les transmissions. Il s'est d'ailleurs rendu compte que c'est une chose pratiquement impossible. Il présente un projet de loi pour coincer les amateurs de pornographie juvénile, mais dit qu'il ne va pas s'attaquer aux transmissions, qu'il ne ferait jamais cela. Il ne se mêle pas au débat visant à déterminer s'il devrait ou ne devrait pas viser les transmissions. Il dit: «Nous n'allons pas le faire», parce qu'il n'a pas l'intention de le faire.
Au lieu de créer toute cette confusion, le gouvernement aurait dû dire clairement s'il veut ou non piéger les amateurs de pornographie juvénile. C'est le point que je voulais soulever.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)
PROJET DE LOI SUR L'ACCESSION DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE À L'ACCORD INSTITUANT L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE
DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Jack Austin propose: Que le projet de loi C-50, Loi modifiant certaines lois en conséquence de l'accession de la République populaire de Chine à l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, soit lu une deuxième fois.
(1440)
— Honorables sénateurs, l'établissement d'un système commercial mondial fondé sur des règles bien précises, au moyen de la création de l'Organisation mondiale du commerce, représente l'une des mesures les plus importantes prises par la grande famille des nations pour développer le commerce international. Les pays membres de l'Organisation mondiale du commerce cherchent à garantir équité et justice parmi les nations, grandes et petites, riches ou pauvres, et à accueillir toutes les nations au sein de l'OMC.
Les sénateurs savent que l'OMC est en évolution et le sera toujours, mais il fait quand même du travail utile. Un des événements clés lié au système commercial mondial s'est produit à la mi-novembre de l'an dernier, à Doha, au Qatar, lorsque le Canada et 141 autres membres de l'Organisation mondiale du commerce ont lancé une nouvelle série de négociations commerciales internationales. Les négociations de Doha devraient être terminées d'ici la fin de 2005, projet plutôt ambitieux.
Les négociations de Doha porteront une attention particulière aux besoins des pays en développement économique. On aura des questions importantes à régler en ce qui à trait au commerce et à l'agriculture, aux services financiers ainsi qu'à l'utilisation et à la protection de la propriété intellectuelle, pour ne nommer que quelques-uns des sujets clés inscrits au programme.
L'honorable Pierre Pettigrew, ministre du Commerce international, a invité certains sénateurs et députés à l'accompagner à Doha en novembre dernier. Malheureusement, je n'étais pas parmi ceux-là, mais j'espère que j'aurai ma chance un jour.
En plus des négociations de Doha, un autre événement tout aussi important pour le système commercial mondial s'est produit le 11 décembre 2001, lorsque la République populaire de Chine a accédé à l'OMC; elle jouera désormais le rôle qu'elle mérite en tant que nation commerçante à l'échelle internationale. Pour se rapprocher encore davantage de l'objectif de l'OMC, soit représenter pratiquement toutes les principales nations exportatrices et importatrices dans l'économie mondiale, il reste à inclure la Russie, l'Ukraine et d'autres États qui faisaient anciennement partie de l'Union soviétique. La Russie a clairement manifesté son intérêt, mais son économie ne répond pas encore tout à fait aux critères permanents et de transition de l'OMC. Je m'attends à ce que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères fasse des observations intéressantes au sujet de l'économie russe et de son niveau actuel d'activité dans son prochain rapport au Sénat.
En admettant la Chine au sein de l'OMC, le système commercial international accueille un membre dont le PIB était de 1,5 billion de dollars US en l'an 2000, ce qui en fait la septième économie du monde. La Chine était le neuvième exportateur mondial à la fin de 1999 et exportait 3,5 p. 100 du total des exportations. Pour placer cela en perspective, je dirai que la population de la Chine est la plus importante au monde et se chiffre à 1,3 milliard de personnes environ, soit 22 p. 100 de la population de la planète, et que son PIB par habitant se situe à environ 3 500 $ US. Certaines collectivités du littoral oriental de la Chine ont un revenu par habitant supérieur à 10 000 $ US, par exemple Shanghai et Canton, mais d'autres régions de la Chine se comparent facilement aux régions les moins développées de la planète. Selon sa politique de développement intérieur, la Chine considère certainement que son entrée à l'OMC est un pas gigantesque vers sa modernisation économique et lui donne la possibilité d'atteindre une réelle compétitivité au sein du système commercial international, ce qui est l'un de ses objectifs.
En acceptant son rôle à titre de plus récent membre de l'OMC, la Chine a reconnu qu'elle serait dorénavant soumise aux règles du système commercial international, mais aussi qu'elle participerait à l'établissement de ces règles. Parmi celles-ci, on peut citer les droits et obligations de l'OMC quant à l'administration du commerce international, lesquels sont négociés internationalement, et particulièrement les droits et obligations liés aux principes du traitement national et de la nation la plus favorisée, les règles sur le règlement des différends commerciaux et les engagements à favoriser la libéralisation du commerce international.
Le ministre du Commerce international du Canada, l'honorable Pierre Pettigrew a déclaré, lors de la signature de l'accord bilatéral Canada-Chine sur l'accession de la Chine au commerce dans le cadre de l'OMC, en novembre 1999 à Toronto, que, selon le Canada:
La pleine participation d'une économie aussi importante que celle de la Chine, laquelle est en pleine expansion, ne peut que renforcer le système de commerce multilatéral.
Je suis ravi d'ajouter que la signature de l'accord bilatéral par l'honorable Pierre Pettigrew et Shi Guangsheng, le ministre du Commerce extérieur et de la Coopération économique de la Chine, a eu lieu lors de la réunion annuelle du Conseil commercial Canada Chine, que j'ai eu l'honneur de présider et dont le sénateur Kelleher, ancien ministre du Commerce international, a assuré la vice-présidence. Le Conseil commercial Canada-Chine, créé en 1978, réunit aujourd'hui près de 300 entreprises engagées dans des relations commerciales canado-chinoises. Le conseil a participé à l'organisation et à l'accueil de la mission d'Équipe Canada conduite par le très honorable premier ministre Jean Chrétien en Chine, en novembre 1994, à laquelle se sont joints les premiers ministres provinciaux et les dirigeants territoriaux, accompagnés de 363 dirigeants d'entreprises canadiens. Le premier ministre a été de toutes les missions suivantes menées par Équipe Canada en Chine, c'est-à-dire celles de 1996, 1998 et 2000. Le conseil a également organisé la visite au Canada de Li Peng qui était premier ministre à l'époque, du président Jang Ze-min, du premier ministre Zhu Rongji, et d'une kyrielle de ministres, de gouverneurs de provinces et d'autres hauts fonctionnaires de Chine.
Depuis 1993, la présence du premier ministre Jean Chrétien s'est révélée déterminante pour amener les autorités chinoises à s'engager dans des relations bilatérales avec le Canada et de les encourager à s'intégrer au système commercial international. Les entreprises canadiennes ont elles aussi joué un rôle de premier plan à cet égard, que ce soit par le truchement du Conseil commercial Canada-Chine ou autrement.
Les sénateurs sont certainement curieux de savoir de quelle façon l'adhésion de la Chine à l'OMC et le projet de loi C-50 favoriseront les relations bilatérales canado-chinoises. Je vais par conséquent m'attacher à en expliquer certaines caractéristiques, mais je me contenterai d'en souligner simplement les points saillants. Les sénateurs désireux d'en savoir davantage pourront assister aux réunions du comité sénatorial, si le Sénat décidait, bien entendu, de renvoyer le projet de loi à l'un de ses comités.
Le Canada et la Chine ont pris des mesures importantes pour améliorer leurs échanges bilatéraux qui ont été de l'ordre de l'ordre de 15 milliards de dollars en 2000. En ce qui concerne les biens, l'adhésion de la Chine à l'OMC se traduit par des baisses immédiates et permanentes des droits de douane sur les produits industriels et agricoles. Les droits de douane sur les produits industriels baisseront progressivement de manière à ce que, en 2010, ils représenteront environ la moitié de ce qu'ils étaient en 1999. De même, la moyenne arithmétique des droits sur les produits agricoles et agroalimentaires importés par la Chine diminuera sensiblement d'ici 2005 et, dans certains cas, ils seront complètement éliminés.
À cause du protectionnisme et de contraintes réglementaires rigoureuses, il n'y a à peu près aucune participation étrangère dans le secteur des services en Chine. Dans les services financiers, les grandes banques canadiennes qui sont présentes doivent limiter leurs activités aux services offerts aux clients étrangers. Les assureurs canadiens ont pu lancer deux coentreprises avec des sociétés chinoises, mais le développement de ces entreprises en est encore aux premiers stades. Les fonds communs de placement canadiens et étrangers en général et les services de banque d'investissement n'ont pu ouvrir que des bureaux de représentation et ne jouent d'un rôle consultatif limité auprès des entreprises chinoises.
L'accession de la Chine à l'OMC apportera des changements profonds et ouvrira des débouchés au secteur canadien des services. Dans bien des cas, des participations étrangères importantes à la propriété seront autorisées dans deux ou trois ans, et des filiales entièrement étrangères pourraient être acceptées sur un horizon de deux à cinq ans.
Il importe de signaler que des dispositions du projet de loi C-50 visent à renforcer les droits de propriété intellectuelle, à rendre plus transparent le système juridique chinois et à améliorer l'accès pour les investissements dans tous les secteurs des services, notamment les banques, l'assurance, les autres services financiers et les télécommunications. Ce sont des secteurs où le Canada croit pouvoir apporter quelque chose et livrer concurrence efficacement sur le marché chinois.
Une autre modification d'importance concerne l'actuel système chinois de contingentement des importations, qui sera remplacé par le système de contingents tarifaires de l'OMC. Aux termes de ce nouveau régime, les importations provenant de tout pays exportateur, jusqu'à concurrence d'un certain volume contingenté, seront frappées de droits tarifaires relativement faibles. Des droits tarifaires plus élevés sont perçus sur toutes les importations au-delà de ce contingent. Le régime de l'Organisation mondiale du commerce est conçu pour que les exportateurs étrangers aient accès à une part minimale et prévisible du marché d'un importateur.
(1450)
La Chine s'est engagée à éliminer les quotas jusqu'ici appliqués à l'orge, au soja, au canola, à l'huile d'arachides, à l'huile de tournesol, à l'huile de maïs et à l'huile de coton et à les soumettre exclusivement à des tarifs. Des contingents tarifaires s'appliqueront aux produits agricoles tels que le blé, le maïs, le riz, l'huile de soja, l'huile de palme, l'huile de canola, le sucre de même que la laine et le coton.
L'accession de la Chine au régime de réglementation de l'OMC repose sur cet engagement. L'objectif principal de la Chine est d'instaurer un régime de marché permettant aux biens et services échangés, dans pratiquement tous les secteurs commerciaux, d'être soumis aux forces du marché. Ainsi, la Chine procède présentement à la suppression de ses politiques de prix à plusieurs niveaux.
Dans le cas de la Chine, contrairement à nombre d'autres accords d'accession à l'OMC, où seul le pays adhérent doit modifier ses lois et ses règlements nationaux, le Canada ainsi que d'autres pays conscients de l'énorme capacité d'exportation de la Chine, compte tenu de la taille du marché intérieur chinois, ont cherché à obtenir le droit, qu'ils ont par ailleurs obtenu, d'invoquer les sauvegardes particulières de la Chine et d'appliquer des règles économiques extérieures au marché dans les enquêtes antidumping visant des produits chinois. Comme je l'ai indiqué précédemment, les sauvegardes de la Chine diffèrent des mesures d'exception convenues dans le cadre d'autres ententes commerciales avec l'OMC, en cela qu'elles ne s'appliquent qu'aux importations en provenance de la Chine, qu'elles auront un seuil de préjudice plus bas et qu'elles seront temporaires. Les sauvegardes sont fondées sur le haut degré d'intervention du gouvernement chinois dans l'économie de ce pays et devraient être révisées dans quelques années, quand l'économie chinoise aura évolué.
Le Canada et la Chine ont précisément convenu que les sauvegardes particulières à la Chine s'appliqueront pendant les 12 années suivant l'accession, c'est-à-dire jusqu'au 11 décembre 2013, et permettront au Canada d'imposer des mesures commerciales spéciales pour protéger l'industrie canadienne d'éventuelles augmentations rapides d'importations en provenance de la Chine. En outre, les dispositions antidumping du projet de loi C-50 permettront aux membres de l'OMC d'appliquer à la Chine des règles spéciales de comparabilité des prix dans le cadre d'enquêtes antidumping. Ce droit demeurera en vigueur pendant 15 ans, soit jusqu'au 11 décembre 2016.
Je devrais peut-être préciser que les mesures particulières à la Chine ne s'appliqueront pas aux importations en provenance de Hong Kong ou de Taiwan, qui sont des membres distincts de l'OMC. Je voudrais également préciser clairement que le gouvernement canadien ne s'attend pas à une vague d'importations de la Chine, ce qui exigerait le recours aux sauvegardes particulières à la Chine. La Chine a déjà libre accès au marché canadien et le Canada s'attend à ce que la croissance des échanges commerciaux soit normale. Le Canada s'attend également à poursuivre ses relations constructives et ouvertes avec la Chine, qui est le quatrième partenaire commercial en importance du Canada après les États-Unis, le Japon; et le Royaume-Uni.
Honorables sénateurs, la Chine a demandé à se joindre au système commercial mondial il y a 15 ans, en 1986. Elle a droit à 15 autres années pour respecter pleinement les exigences de l'OMC. Trente années pour passer d'un système où tout est contrôlé à une économie de marché ouvert c'est avancer à la vitesse de la lumière, comparativement à tout autre pays. Il a fallu deux siècles à l'Europe occidentale pour élaborer son système de marché et les États-Unis ont pris au moins 150 ans pour le faire. De plus, ces pays n'avaient pas, au départ, un revenu par habitant inférieur à 100 $, en dollars de 1971. Ils n'avaient pas non plus à relever les défis sociaux, politiques et économiques du pays le plus peuplé du monde. Il faut reconnaître les efforts que la Chine a déployés pour bâtir sa nouvelle société économique et la féliciter d'avoir reconnu que le fait d'être membre à part entière du système commercial mondial va améliorer la sécurité de la communauté mondiale ainsi que sa propre sécurité.
En ce qui concerne le projet de loi C-50, je dois signaler au Sénat les lois qu'il propose de modifier. Il y a la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, afin de créer les procédures spéciales à suivre pour lancer et effectuer des enquêtes reliées aux sauvegardes particulières à la Chine; le Tarif des douanes, afin de permettre l'imposition de surtaxes dans le cadre de poursuites liées aux sauvegardes particulières à la Chine; la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, afin de permettre l'addition de marchandises à la liste de marchandises d'importation contrôlée dans le but d'appliquer des sauvegardes particulières à la Chine; et enfin, la Loi sur les mesures spéciales d'importation, afin de traiter des règles de comparabilité des prix adaptées que j'ai mentionnées plus tôt.
Honorables sénateurs, dans le monde des affaires internationales, on se demande encore si la Chine va respecter ses ententes. Le vice-premier ministre, Wen Jiabao, a déclaré de façon catégorique que la Chine allait respecter ses engagements aux termes de l'OMC. Il est responsable de ce dossier. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de désaccord; en fait, je crois que la Chine sera visée par un grand nombre de contestations devant l'OMC. Le manque d'expérience des services administratifs et d'application de la Chine pour garantir le respect des règles de l'OMC et le manque de connaissances de milliers de fonctionnaires, au sein du système judiciaire chinois, des exigences de l'OMC, conduiront à de nombreux problèmes durant les années de transition. Toutefois, je pense que la Chine fera les ajustements nécessaires pour respecter ses obligations. Entre-temps, les avocats et les conseillers spécialistes des questions commerciales auront bien du pain sur la planche.
Honorables sénateurs, la croissance économique annuelle moyenne de la Chine au cours des vingt dernières années est évaluée à plus de 7 p. 100 du PIB. Selon les projections établies par la Banque mondiale pour les vingt prochaines années, cette croissance devrait se poursuivre. La Chine a longtemps été le deuxième plus important bénéficiaire d'investissements étrangers directs ou IED, après les États-Unis d'Amérique. L'IED s'est accru de l'équivalent de 27,5 p. 100 par année au cours du premier trimestre de l'année en cours. L'intérêt sur l'investissement étranger sera maintenu par suite de l'accès à l'OMC alors que la Chine ouvrira son économie à la participation étrangère.
Il ne faut pas oublier que l'économie en pleine expansion de la Chine sera l'une des deux ou trois économies qui donneront une impulsion à la croissance du système commercial international et nourriront bon nombre des espoirs en vue du succès de la ronde de Doha.
Le Canada entretient des relations solides avec la Chine. Le premier ministre Zhu Ronghi a dit à Beijing, en 1998, à l'occasion de la rencontre annuelle du Conseil commercial Canada-Chine à laquelle assistait le premier ministre Jean Chrétien, que de tous les pays développés, le Canada était le meilleur ami de la Chine. Le Canada a lancé l'initiative en octobre 1970 sous la direction du premier ministre Pierre Trudeau et du ministre des Affaires extérieures, Mitchell Sharpe, dans le but de trouver une formule permettant d'échanger une reconnaissance diplomatique, ce qui était une première étape dans le processus visant à sortir la Chine de l'isolement mondial dans lequel elle était enfermée. Puis le premier ministre Brian Mulroney a dirigé une mission commerciale en Chine en 1986. Le premier ministre Jean Chrétien a travaillé très fort pour faire participer la Chine aux questions internationales, l'un des principaux dossiers dans ce sens étant son accession à l'OMC.
Aujourd'hui, les relations commerciales entre le Canada et la Chine relèvent davantage du secteur commercial. Espérons que les Canadiens ne laisseront pas passer cette chance qui s'offrent à eux.
L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, le sénateur Austin serait-il prêt à répondre à une question?
Le sénateur Austin: Je serais très heureux de répondre à une question.
(1500)
Le sénateur Di Nino: Quand l'honorable sénateur a parlé des exemptions concernant particulièrement la Chine, il a dit au Sénat que ces exemptions ne s'appliqueraient pas à Hong Kong ni à Taiwan. L'allusion à Taiwan m'a rendu perplexe. La politique du gouvernement à l'égard de Taiwan a-t-elle changé au point où Taiwan est incorporée à la Chine, ou Taiwan est-elle encore considérée comme un pays indépendant?
Le sénateur Austin: Je remercie le sénateur Di Nino de sa question. Je ne parle pas au nom du gouvernement, mais je parraine le projet de loi C-50. Je disais, pour me faire bien comprendre, au cas où quelqu'un pourrait être déconcerté, que les règles concernant particulièrement la Chine ne s'appliquent pas à Taiwan. Il y a un lien, en ce sens que Taiwan n'était pas autorisée à devenir une entité économique dans le cadre de l'OMC tant que la Chine n'avait pas adhéré à l'OMC. Certains se sont demandé si l'arrangement de l'OMC avec la Chine se trouvait en quelque sorte à incorporer Taiwan. Il n'en est rien. Cette dernière a son propre arrangement séparé et indépendant. Je veux qu'il soit bien clair pour les entreprises canadiennes que ce qui nous inquiétait, étant donné le vaste marché intérieur de la Chine, c'était le risque de hausses de ce qui, pour la Chine, constituerait des exportations progressives. Cela ne s'applique pas à Taiwan.
L'honorable Douglas Roche: Je tiens à féliciter le sénateur Austin de sa très intéressante intervention. Elle a provoqué une explosion de questions dans mon esprit. Dans l'intérêt de tous les sénateurs, je vais regrouper mes questions en deux catégories. La première a trait à la Chine sur le plan international et la seconde, à la Chine et au Canada.
Le sénateur Austin a fait une observation intéressante quand il a comparé la croissance de l'économie chinoise, qui est extrêmement rapide à l'heure actuelle, aux deux siècles qu'il a fallu aux économies d'Europe occidentale pour atteindre le point où elles en sont actuellement, et au 150 années qu'il a fallu aux États-Unis pour prendre de la vitesse.
Ma première visite en Chine remonte à 25 ans. J'avais alors pu observer une société essentiellement agricole. Il est extraordinaire de constater maintenant, un quart de siècle plus tard, que la Chine se classe septième parmi les plus grandes économies du monde. Le pays ressemble aujourd'hui à un énorme chantier de construction tant il y a d'activité économique.
J'en viens à l'évaluation faite par le sénateur Austin de l'effet que tout cela a eu sur le rôle de la Chine dans l'équilibre géostratégique du monde. Comment voit-il le rôle de la Chine dans les domaines de la politique internationale et de la sécurité mondiale, compte tenu de son énorme taux de croissance et du fait, comme on l'a dit, qu'elle a l'un des taux d'investissement les plus élevés du monde? Considère-t-il que le nouveau rôle de la Chine, que renforce son admission à l'Organisation mondiale du commerce, lui permettrait de surpasser la Russie? Comme le sénateur Austin l'a noté à juste titre, la Russie est encore très faible, économiquement parlant, et, abstraction faite de la maintenance de ses armes nucléaires, elle ne serait probablement pas considérée comme beaucoup plus qu'un pays en développement. Je ne dis pas du tout cela dans un sens péjoratif. La Russie a une grande culture qui a beaucoup contribué à la civilisation mondiale.
Bref, la croissance économique de la Chine et la stagnation actuelle de la Russie placent Beijing en plein centre de la politique mondiale. Où cela nous mènera-t-il?
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je suis très reconnaissant au sénateur Roche de son intervention. Je lui répondrai brièvement pour le moment, tout en l'invitant à venir poser d'autres questions au comité, si le projet de loi lui est transmis. La principale prémisse du sénateur Roche est absolument correcte. La Chine est en train de devenir un intervenant clé dans le monde sur le double plan économique et stratégique. Au niveau économique, la Chine a encore du chemin à parcourir à cause de son énorme population. De plus, la Chine se soucie de sa propre modernisation: elle veut bâtir sa propre infrastructure, son capital social et sa compétitivité. Pour ces raisons, je suis raisonnablement sûr que la Chine ne veut pas devenir un adversaire dans le système de sécurité mondial. Toutefois, à mon avis, la Chine veut avoir voix au chapitre, une voix correspondant à la taille de sa population et, de plus en plus, correspondant à la taille de son économie dans le système mondial.
Cette semaine même, comme le sénateur Roche le sait, le vice-président de la Chine, Hu Jintao, a des entretiens aux États-Unis, y compris, je crois, avec le président Bush à Washington. Ces entretiens sont plus importants que ne le croient la plupart des Canadiens et des autres peuples du monde. Comme mes collègues le savent, le gouvernement Bush, à son arrivée au pouvoir, a voulu apparemment se dissocier de la politique d'engagement de Clinton à l'égard de la Chine et a cherché à déclarer la Chine comme un concurrent. Bien sûr, les mots «engagement» et «partenaire», d'une part, et les mots «concurrent» et peut-être «adversaire», de l'autre, dénotent un important changement d'attitude.
Les événements de 11 septembre semblent avoir donné aux États-Unis l'occasion de reconsidérer leur politique. La Chine a beaucoup coopéré avec les États-Unis au lendemain du 11 septembre. En fait, l'examen par les États-Unis de leur politique envers la Chine semble indiquer, compte tenu de la réunion de l'APEC à Shanghai l'automne dernier et des discussions entre le président Bush et le président Jiang Zemin ainsi que d'autres réunions, qu'une relation de collaboration et de respect mutuel, sinon d'affection, semble s'être établie.
Je crois que la stabilité mondiale dépend beaucoup des relations entre les États-Unis et la Chine. Je crois aussi que tous les premiers ministres canadiens, depuis Pierre Trudeau, ont cherché assidûment à renforcer les rapports avec la Chine et à l'amener à collaborer dans le système mondial. Son accession à l'OMC est, à cet égard, un grand succès.
Comme le sénateur Roche le sait fort bien, la Chine est l'un des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies. Je crois que son rôle, à ce titre, montre qu'elle a une attitude très constructive envers le système mondial. Même si je peux ne pas être d'accord avec tout ce que la Chine décide et appuie, je dois reconnaître qu'elle constitue un intervenant responsable dans les affaires mondiales.
Bref, je crois que le système mondial tire beaucoup d'avantages de la façon dont la Chine joue son rôle, grâce à l'attitude et au soutien de pays comme le Canada.
Le sénateur Roche: Je tiens à remercier le sénateur Austin pour sa réponse très instructive. Dans sa réponse, le sénateur Austin a fait une observation capitale en disant que la Chine avait aidé les États-Unis, même s'il faisait allusion à la période qui a suivi le 11 septembre. Je crois que, dans le même contexte, les honorables sénateurs conviendront que permettre à la Chine d'influencer de façon importante et constructive l'équilibre géopolitique dans le monde, et rechercher une stabilité mondiale, doivent figurer au premier plan aujourd'hui. Ce projet de loi, y contribuera, selon la perspective canadienne.
(1510)
J'en arrive maintenant à ma deuxième question. Le Canada a été l'un des premiers pays à reconnaître la Chine. Il faut rappeler ici le rôle de visionnaire du premier ministre Trudeau. Les premiers ministres Mulroney et Chrétien ont suivi la voie qu'il avait tracée. Ces premiers ministres canadiens ont parfaitement compris le potentiel de la Chine, non seulement en ce qui concerne sa position dans le monde, mais aussi en ce qui a trait aux échanges commerciaux du Canada.
Sauf erreur, c'est dans les années 1970 que l'Agence canadienne de développement international a lancé un programme en Chine. Nombreux sont ceux qui ont demandé pourquoi l'ACDI allait en Chine et quelle différence cela ferait, d'abord à cause de la taille énorme du pays et, en termes quantitatifs, à cause de la faiblesse des fonds alloués au programme de l'ACDI. Quand on pense que l'ACDI a notamment pour mandat de prévoir une croissance commerciale, on se rend compte que la décision de l'ACDI d'aller en Chine était judicieuse.
Je souhaite que le sénateur Austin situe sa réponse dans le contexte du modèle de développement dont la Chine s'est servi. Alors que des pays, l'Inde par exemple, ont bâti leur économie sur un modèle industriel, abandonnant l'économie agraire à son sort, la Chine a agi autrement. La Chine a affecté ses ressources, qui étaient limitées à l'époque, au développement agraire et à l'agriculture.
Son Honneur le Président: Je rappelle au sénateur Roche que le Règlement prévoit la possibilité d'une observation ou d'une question. Mais, compte tenu des signaux que je reçois, je l'invite à poser sa question.
Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, le sénateur Austin comprendra que j'ai formulé la question de telle sorte qu'il puisse se prévaloir des ressources de son esprit pour donner une réponse satisfaisante au sujet des relations Canada-Chine.
Les Chinois ont prouvé que, grâce à leur développement agraire, ils peuvent aujourd'hui s'industrialiser rapidement, et c'est ce qu'a dit le sénateur Austin.
Compte tenu de cela, le gouvernement entend-il reconduire l'un ou l'autre des programmes de l'ACDI en Chine? Ces programmes seront-ils utiles? L'ACDI sera-t-elle perdue dans le tourbillon de la croissance de l'économie chinoise? Comment le Canada entend-il profiter de son accès privilégié auprès du gouvernement chinois pour promouvoir les relations Chine-Canada?
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui ou non.
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, ce projet de loi concerne les relations commerciales du Canada avec la Chine. Le sénateur Roche me pose des questions qui portent sur le sujet général du développement de la Chine et des relations entre le Canada et la Chine.
En bref, je crois, comme le sénateur Roche, que l'ACDI a joué un rôle important dans les relations entre le Canada et la Chine et que cet organisme a ciblé les bons secteurs: l'économie rurale de la Chine, l'allégement de la pauvreté et un appui spécial aux segments du secteur canadien des affaires qui peuvent atteindre les objectifs de l'ACDI.
Quant à savoir dans quelle direction il faut aller, je dirais que le mandat premier de la Chine est de nourrir sa population. Cela a toujours été un énorme problème pour la Chine, un problème qu'elle a résolu grâce à sa politique et à l'aide internationale.
Qu'il suffise de signaler, à la façon bipartite qu'exige à mon avis ce projet de loi, que c'est en 1960 que le Canada a pour la première fois aidé la Chine à acheter du blé, au moment où les Chinois en manquaient.
Le sénateur Lynch-Staunton: Dites qui était alors le ministre!
Le sénateur Austin: Je serai ravi de donner le nom du ministre, comme le sénateur Lynch-Staunton l'a demandé. M. Alvin Hamilton était ministre de l'Agriculture à l'époque. Je suis heureux de souligner également que ce programme a été établi sous la direction du très honorable John Diefenbaker. Cette politique a été, avec raison, arrêtée et menée en 1960. Ce que je tiens à souligner encore une fois, c'est que plusieurs premiers ministres du Canada ont reconnu l'importance de la Chine. Notre politique envers la Chine n'a pas été empreinte d'esprit de parti.
Enfin, ce projet de loi a été rédigé expressément pour mettre en place des dispositions visant à protéger l'industrie canadienne. Il n'est pas nécessaire que ce soit fait immédiatement en prévision de quelque événement inattendu, mais l'industrie canadienne voudrait que ces dispositions soient mises en oeuvre bientôt. Il s'agit des secteurs du Canada qui risquent, dans certaines circonstances, d'être touchés négativement par une hausse marquée des importations.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Kelleher, le débat est ajourné.)
[Français]
LE SÉNAT
LA RÉSOLUTION EXPRIMANT SON INQUIÉTUDE À LA SUITE DES ÉVÉNEMENTS VIOLENTS ET DES RÉCENTES MENACES QUI PÈSENT CONTRE LA DÉMOCRATIE EN COLOMBIE—MOTION—AJOURNEMENT DU DÉBAT
Permission ayant été accordée de passer au numéro 138 de l'ordre du jour:
L'honorable Céline Hervieux-Payette, conformément à l'avis du 3 mai 2002, propose:
Que, reconnaissant les efforts importants déployés par le gouvernement colombien pour instaurer une paix durable pour la population de Colombie;
Déplorant l'effondrement du processus de paix;
Insistant pour que la protection de la population civile de Colombie demeure la principale préoccupation;
Notant que l'intensification de la violence depuis la rupture des négociations de paix entre le gouvernement de la Colombie et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) remet sérieusement en question la légitimité du processus électoral;
Considérant que les attentats commis par des intervenants armés, notamment l'enlèvement de la candidate à la Présidence, Ingrid Betancourt, le 23 février 2002, et les complots d'assassinat contre d'autres candidats en vue, compromettent le processus démocratique en Colombie;
Le Sénat du Canada
Exprime son inquiétude à la suite des événements violents et des récentes menaces qui pèsent contre la démocratie en Colombie;
Exhorte les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) à libérer sans délai et sans condition tous les otages qui sont toujours détenus, incluant Mme Betancourt et son adjointe Clara Rojas;
Demande à toutes les parties de respecter leurs obligations en vertu du droit humanitaire international et de prendre des mesures pour en arriver à une paix juste et négociée, qui assurera aux Colombiens un avenir sûr et mettra fin au conflit armé;
Qu'un message soit envoyé à la Chambre des communes pour l'informer que le Sénat a adopté la présente résolution et lui demander de se joindre au Sénat pour y souscrire elle aussi.
— Honorables sénateurs, il y a près de deux ans, nous avons créé le Forum interparlementaire des Amériques. Il est de notre devoir, si l'on fait preuve de sérieux, de participer aux activités d'un groupe qui travaillera à l'avancement des pays des Amériques. Nous devons également aider à consolider le processus démocratique de l'un des membres de l'équipe.
(1520 )
J'ai rédigé cette motion afin de permettre aux parlementaires canadiens d'envoyer un message clair quant au processus parlementaire, qui commence par des élections libres où la participation des citoyens se fait sans entraves ni menaces.
Honorables sénateurs, c'est dans cet esprit que je sollicite votre appui.
[Traduction]
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je voudrais également dire quelques mots au sujet de la motion. D'abord, je remercie le sénateur Hervieux-Payette de l'avoirprésentée. Étant donné que nous avons récemment porté notre attention surtout sur le Proche-Orient et sur l'Afghanistan, il n'est que juste que nous jetions un coup d'oeil sur toutes les difficultés qui existent dans le monde, et la Colombie en éprouve certes depuis de nombreuses années, comme la motion et son préambule le soulignent.
Le préambule de la motion énonce bien les problèmes. Comme les sénateurs le savent, une candidate à la présidence, Ingrid Betancourt, ainsi que son adjointe, ont été enlevées. Jusqu'ici, les efforts pour les libérer, ainsi que de nombreux autres otages, ont été vains. Comme nous le savons tous, les prises d'otages sont fréquentes en Colombie.
Le Canada continue de jouer un rôle clé, et je félicite le gouvernement des mesures qu'il prend à cet égard. Je désire également féliciter l'ambassade du Canada en Colombie. Ses employés risquent leur vie. Les mesures de sécurité sont presque inexistantes en Colombie, et il est extrêmement difficile pour les employés de notre ambassade de faire le travail que nous pouvons faire dans d'autres pays. Je crois qu'ils sont souvent menacés.
En Colombie, il y a souvent des altercations entre les groupes paramilitaires et révolutionnaires. Les ONG ont essayé de collaborer avec les civils afin d'assurer la sécurité de leurs déplacements. Je parle des ONG habituelles, qui nous sont familières au Canada, ainsi que de quelques organisations nouvelles, comme Peace Brigades International. En raison de l'engagement de la société civile et du gouvernement canadien, il est important que le Parlement prenne note de la situation et exprime ses préoccupations, comme le sénateur Hervieux-Payette l'a mentionné dans sa motion.
MOTION D'AMENDEMENT
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, cela étant dit, je propose un amendement à la motion. Je propose:
Que la motion soit modifiée par l'adjonction, après le dernier paragraphe, de ce qui suit:
Que le Président du Sénat transmette la présente résolution aux autorités suivantes:
1. L'ambassadeur du Canada en Colombie;
2. L'ambassadeur du Canada à l'Organisation des États américains — OEA;
3. Le président du Sénat colombien.
Madame le sénateur Hervieux-Payette est d'accord avec mon amendement, qui ne fait que préciser ce qu'elle a dit.
Sur ce, j'espère que tous les sénateurs appuieront cette résolution.
Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'estime que nous avons là une initiative fort importante. J'espérais que nous pourrions approfondir un peu plus la question.
Son Honneur le Président: Madame le sénateur Cools désire-t-elle prendre la parole?
Le sénateur Cools: C'est assez inhabituel, honorables sénateurs. Nous sommes sommes saisis d'une motion qui, dès qu'elle a été déposée, a fait l'objet d'une motion d'amendement.
Son Honneur le Président: Je crois comprendre où veut en venir le sénateur Cools. Veuillez vous rasseoir.
La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Oui.
Le sénateur Cools: Sur quoi?
Son Honneur le Président: Pour répondre à la question du sénateur Cools, je demande si la Chambre est prête à se prononcer sur la motion d'amendement proposée par le sénateur Andreychuk et appuyée par le sénateur Hervieux-Payette.
La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Le sénateur Cools: Non. Nous n'avons pas d'exemplaire de cette motion.
Le sénateur Di Nino: Vous pouvez demandez l'ajournement.
Le sénateur Cools: Ce serait bien d'en discuter.
Son Honneur le Président: Sénateur Cools, je comprends votre intervention. Il appartient à la Chambre de décider si elle désire ou non traiter de la question.
Le sénateur Cools: Dans ce cas, je voudrais que l'on ajourne le débat à mon nom.
(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)
LA LOI SUR LES ALIMENTS ET DROGUES
PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Cook, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-18, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine).—(L'honorable sénateur Sibbeston).
L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi S-18. Tout d'abord, je voudrais féliciter le sénateur Grafstein d'avoir eu la prévoyance et le courage d'aborder cette question très importante qui vise toutes les collectivités canadiennes.
L'eau soutient notre vie. Sans elle, ou si elle est polluée, nous mourons. Comme l'a dit le sénateur Banks dans ses observations, nous ingérons de l'eau, de même que toutes sortes d'aliments. La réglementation gouvernementale stipule qu'il faut assurer l'innocuité de tout ce qui est ingéré. Or, nous ingérons de l'eau.
Je ne répéterai pas ce que mes autres collègues ont dit. J'expliquerai toutefois aux honorables sénateurs pourquoi il est si important que nous appuyions le projet de loi S-18.
Pendant les années 70, je vivais et je travaillais dans la région du Petit lac des Esclaves, dans le nord de l'Alberta. Il était de notoriété publique que de 6 à 12 nourrissons mouraient chaque année à Wabasca d'une maladie intestinale appelée shigella et d'autres maladies parasitaires. De nombreux autres enfants et personnes âgées mouraient parce qu'ils buvaient de l'eau de la rivière Wabasca et du lac.
Les dépouilles de ces nourrissons étaient envoyées à Edmonton pour y être autopsiées, puis elles étaient renvoyées à domicile, par autocar, dans des boîtes de carton, sans même qu'on les ait recousues. Mon plus jeune fils a contracté la diphtérie et a séjourné longtemps à l'hôpital. Si l'eau avait été incluse dans la Loi sur les aliments et drogues à titre de denrée que nous ingérons, certains de ces nourrissons seraient peut-être encore en vie aujourd'hui.
À ma connaissance, la qualité de l'eau dans la région de Wabasca s'est un peu améliorée. Cependant, il y a encore des habitants de nombreuses réserves et collectivités autochtones qui ingèrent de l'eau impropre à la consommation.
Un rapport de Santé Canada publié en 1995 a révélé que 171 réserves, ce qui veut dire une sur cinq, n'avaient pas de système d'approvisionnement en eau salubre. Certaines réserves dans le Nord n'ont même aucun système d'approvisionnement en eau. Ces statistiques n'ont pas encore changé. Les gens souffrent de lambliase, maladie débilitante chronique causée par de l'eau insalubre. La Première nation de Yellowquill, en Saskatchewan, est forcée de faire bouillir son eau depuis 1995.
Si nous voulons améliorer la santé de tous les Canadiens, nous devons appuyer le projet de loi S-18. L'eau est vraiment essentielle à la vie. Nous ingérons de l'eau chaque jour. Les collectivités autochtones sont une partie importante de la mosaïque canadienne, et pourtant il semble qu'elles soient les plus négligées.
Avec l'adoption du projet de loi C-18, nous serons plus en mesure d'apporter les améliorations nécessaires à la qualité de l'eau sans empiéter sur les compétences des provinces. M. Schindler, environnementaliste de renommée mondiale, ne cesse de nous rappeler que, oui, la gestion des bassins hydrographiques au-delà des frontières constitutionnelles est importante, mais nous devons avant tout régler les problèmes aigus de santé publique découlant de l'eau insalubre dans toutes les régions du Canada.
Ne pas agir dans les plus brefs délais équivaut à transformer ce problème de santé publique en tragédie nationale. Nous ne pouvons pas nous permettre cela.
J'exhorte tous les sénateurs à appuyer le projet de loi S-18.
(Sur la motion du sénateur Robichaud, au nom du sénateur Sibbeston, le débat est ajourné.)
(1530)
PROJET DE LOI SUR LES CANDITATURES DE COMPÉTENCE FÉDÉRALE
DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Stratton, appuyée par l'honorable sénateur Cohen, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-20, Loi visant à accroître la transparence et l'objectivité dans la sélection des candidats à certains postes de haut niveau de l'autorité publique.—(L'honorable sénateur Cools).
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je prends la parole à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi S-20, Loi visant à accroître la transparence et l'objectivité dans la sélection des candidats à certains postes de haut niveau de l'autorité publique.
Honorables sénateurs, le projet de loi S-20 s'intéresse vivement à la prérogative royale de Sa Majesté, notamment celle de faire des nominations; c'est ce qu'on appelle le patronage royal. En conséquence, il faut le consentement royal de Son Excellence, la Gouverneure générale, Adrienne Clarkson, pour que le Parlement puisse examiner et débattre le projet de loi dont nous sommes maintenant saisis.
Honorables sénateurs, à diverses occasions, j'ai soulevé la question de la nécessité du consentement royal pour cette catégorie de projets de loi — lesquels concernent la prérogative législative de la reine. On a donné raison à certains d'entre nous à maintes occasions. En juin 2000, le Sénat a débattu le projet de loi sur la clarté, le projet de loi C-20. À ce moment-là, nous avons soulevé cette question, à savoir que le projet de loi C-20 nécessitait alors le consentement royal.
À cette fin, le 20 juin 2000, le Règlement a été invoqué à cet égard. Le Président du Sénat, le sénateur Molgat, n'a jamais répondu à la question, mais la situation politique l'a fait à sa place. On a donné raison aux sénateurs. Le projet de loi C-20 nécessitait le consentement royal.
Quelques jours plus tard, le 29 juin 2000, le sénateur Boudreau, ministre et chef de l'opposition au Sénat, a donné le consentement royal ici même. Par ailleurs, environ un an plus tard, j'ai fait valoir que le projet de loi du sénateur Lynch-Staunton, le projet de loi S-13, dans sa dernière réincarnation, nécessitait le consentement royal. Le 2 octobre 2001, le sénateur Lynch-Staunton a retiré son projet de loi S-13. Le même jour, le gouvernement, en la personne du sénateur Sharon Carstairs, a présenté son propre projet de loi sur la sanction royale ayant le même objet, soit le projet de loi S-34, Loi concernant le consentement royal aux projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement.
Le 4 octobre 2001, le sénateur Carstairs, leader du gouvernement au Sénat, proposant la seconde lecture du projet de loi, a signifié le consentement royal, lequel avait été obtenue par les ministres de Sa Majesté avant même que le projet de loi ne soit présenté en première lecture au Sénat. Voici un extrait du discours du sénateur Carstairs proposant la motion de deuxième lecture:
J'ai l'honneur d'aviser cette Chambre que:
Son Excellence la Gouverneure générale a été informée de la teneur de ce projet de loi et consent, dans la mesure où il pourrait toucher les prérogatives de Sa Majesté, à l'étude par le Parlement d'un projet de loi...
Honorables sénateurs, j'arrive maintenant au projet de loi S-20 du sénateur Stratton. Le sénateur Stratton est un simple sénateur, un membre de l'opposition. En réponse à un rappel au Règlement fait par le sénateur Joyal, le 5 juin 2001, le Président du Sénat, le sénateur Hays, a jugé, le 25 octobre 2001, que le projet de loi S-20 exigeait la sanction royale. Comme on peut le lire à la page 1490 des Débats du Sénat, il a dit:
Ayant conclu que le projet de loi S-20 porte atteinte à l'exercice de la prérogative, je déduis qu'il exige le consentement royal.
De toute évidence, honorables sénateurs, le projet de loi S-20 exige le consentement royal. La question est donc réglée. La seule question à laquelle le Sénat doit donc répondre maintenant est comment et quand le sénateur Stratton propose-t-il d'obtenir le consentement royal. Les ministres de Sa Majesté sont connus et choisis par elle, et on suppose qu'ils ont facilement accès à Sa Majesté. Toutefois, ce n'est pas le cas lorsqu'il s'agit d'un simple sénateur, d'un membre de l'opposition. Ils n'ont pas pareillement accès à la Couronne. Il existe dans la jurisprudence parlementaire de nombreux précédents qui nous informent de la procédure que doivent suivre les membres de l'opposition qui veulent obtenir le consentement royal.
Honorables sénateurs, j'affirme une fois encore que le projet de loi S-20 exige le consentement royal avant que nous procédions au vote à l'étape de la deuxième lecture. C'est la procédure prescrite par les deux lois fondamentales que sont la loi du Parlement ou lex parliamenti, et la loi de la prérogative, ou lex praerogativa. Les textes qui font autorité et la jurisprudence parlementaires l'exigent. Je vais citer de nouveau certains de ces textes concernant la nécessité d'obtenir le consentement royal. Tout d'abord, la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, sixième édition, alinéa 727.(1) dit ceci:
Le consentement de la Couronne est indispensable chaque fois qu'il s'agit de questions mettant en cause ses prérogatives. Bien que le consentement puisse être signifié à n'importe quelle étape des délibérations précédant l'adoption définitive du projet de loi, l'usage à la Chambre veut qu'il le soit lors de la présentation de la motion portant deuxième lecture. Il peut être présenté sous forme de message spécial, mais aussi, et c'est le procédé habituel, sous forme de déclaration de vive voix d'un ministre.
Je répète, «d'un ministre».
On constatera également qu'il est possible qu'un projet de loi franchisse toutes ses étapes, sauf la dernière, sans que le consentement royal ait été signifié. Dans le cas cependant où le consentement ferait encore défaut au dernier stade, le président refuse de mettre la question aux voix. Il est dit enfin qu'à défaut de ce consentement, il ne reste plus au président qu'à retirer la mesure.
Honorables sénateurs, je vais parler de la question en suspens de l'obtention du consentement royal par de simples parlementaires, comme dans le cas du projet de loi S-20. Comme l'ont montré le sénateur Bernard Boudreau, ministre, et le sénateur Carstairs, ministre, le consentement royal doit être annoncé dans cette Chambre par un ministre membre du Conseil privé. Les deux ministres étaient membres du Conseil privé. C'est l'une des raisons pour lesquelles le leader du gouvernement au Sénat doit être ministre et membre du Conseil privé.
Le processus d'obtention du consentement royal par un simple parlementaire, cependant, est différent du processus d'obtention de ce consentement par un ministre. Un simple parlementaire ne peut obtenir le consentement qu'en présentant une adresse, c'est-à-dire en proposant une motion en vue d'une adresse de la Chambre à Sa Majesté, ou au représentant de Sa Majesté, pour demander son approbation, son consentement royal, à ce que le Parlement soit saisi de certaines questions.
Pour les honorables sénateurs qui ne sauraient pas ce qu'est une adresse, je dirais qu'une adresse est une motion, une conversation particulière avec le souverain, en l'occurrence Sa Majesté ou son représentant, le Gouverneur général.
La première tâche du simple parlementaire est de demander au Sénat et à tous ses membres, par motion, de consentir à l'obtention de l'approbation du gouverneur général. Si le Sénat tout entier donne cette approbation, le gouverneur général doit alors consentir à l'adresse et indiquer ce consentement dans un message au Sénat. Ce message doit être montré à tous les honorables sénateurs. Les ouvrages de référence nous le disent. En effet, on peut lire ce qui suit au commentaire 728 de la sixième édition de Beauchesne:
Le simple député qui désire obtenir le consentement royal peut prier la Chambre de voter une adresse en ce sens avant la présentation du projet de loi.
Dans la quatrième édition de 1916 de son ouvrage, Parliamentary Procedure and Practice in the Dominion of Canada, sir John Bourinot dit à peu près la même chose:
Le simple député qui désire obtenir le consentement de la Couronne peut demander à la Chambre de consentir à une adresse demandant la permission de procéder, avant la présentation du projet de loi. Le consentement devrait être donné d'une façon appropriée avant le renvoi du projet de loi [...]
Je répète: «Le consentement devrait être donné d'une façon appropriée avant le renvoi du projet de loi [...]» Pour les honorables sénateurs qui ne le savent pas, «renvoi» désigne le renvoi du projet de loi au comité.
Les ouvrages de référence parlementaires sont unanimes à dire que, dans le cas de la loi du Parlement, la lex parliamenti, la procédure impose que les simples parlementaires proposent une motion pour obtenir le consentement de la Chambre afin de demander au gouverneur général l'autorisation de présenter, d'étudier et de débattre le projet de loi.
Honorables sénateurs, chaque sénateur a le droit de débattre la motion demandant le consentement du gouverneur général et de voter là-dessus. Toute tentative visant à empêcher un sénateur de le faire est une atteinte à son privilège et un outrage au Parlement. C'est une violation de la loi et des privilèges du Parlement. Le processus tendant à déterminer le besoin du consentement royal réside dans le débat sur la motion elle-même, fait qui semble échapper au sénateur Stratton.
(1540)
Le débat sur l'adresse est la procédure parlementaire visant à déterminer la volonté du Parlement pour ce qui est de demander le consentement du gouverneur général. Il ne suffit pas de dire:«Renvoyez le projet de loi au comité.» Seul le Sénat peut prendre cette décision. La méthode et la procédure à suivre à cette fin sont le débat et la conclusion relatifs à une motion pour une adresse.
Honorables sénateurs, je fais remarquer que le parrain du projet de loi S-20 est non seulement un simple parlementaire, mais un sénateur de l'opposition. J'en viens donc à parler de la situation particulière dans laquelle se retrouvent les sénateurs de l'opposition. Dans le cas des sénateurs de l'opposition qui demandent le consentement royal, la procédure parlementaire s'appliquant à une motion portant adresse à Sa Majesté est encore plus cruciale et essentielle. En jurisprudence parlementaire, il existe deux grands précédents, celui de William Ewart Gladstone, de la Chambre des communes du Royaume-Uni, en 1868, et celui de lord Lansdowne, de la Chambre des lords, en 1911.
Dans le premier cas, qui a eu lieu le 7 mai 1868, William E. Gladstone siégeait dans l'opposition, d'où le problème, puisque les représentants de l'opposition, contrairement aux membres du gouvernement, n'ont pas accès à Sa Majesté. Les ministres, eux, y ont accès. Donc, à l'époque où il siégeait dans l'opposition, M. Gladstone a proposé à la Chambre une adresse à Sa Majesté la reine en vue d'obtenir le consentement royal. En Angleterre, ils appellent cela le «consentement de la reine». Ici, nous l'appelons le «consentement royal». Voici ce qu'a dit M. Gladstone:
... ici, le cas est différent. L'intérêt de la Couronne n'est pas purement propriétal, mais beaucoup plus vaste et important; de plus, le projet de loi, bien qu'il ne soit pas proposé par le gouvernement, serait, si j'ose m'exprimer ainsi, proposé au nom d'une très forte proportion des députés de cette Chambre, agissant de concert...
Son Honneur le Président pro tempore: Honorable sénateur Cools, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous la permission de poursuivre? Vous aviez déjà abordé ce projet de loi, donc, vous aviez neuf minutes.
L'honorable Terry Stratton: Je propose l'ajournement du débat au nom du sénateur Tkachuk.
Son Honneur le Président pro tempore: L'honorable sénateur Stratton, appuyé par l'honorable sénateur Kinsella, propose l'ajournement du débat au nom du sénateur Tkachuk.
RECOURS AU RÈGLEMENT
L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Le sénateur a proposé l'ajournement du débat avant même que le Président ait demandé aux sénateurs d'accorder au sénateur Cools la permission de poursuivre son exposé.
Son Honneur le Président pro tempore: Je n'ai pas entendu le sénateur Cools demander la permission de poursuivre, alors j'ai accepté la motion d'ajournement.
L'honorable Anne C. Cools: Oui, j'ai demandé la permission. Je suis ravie de demander la permission.
Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: Non.
Son Honneur le Président pro tempore: La permission n'est pas accordée.
Le sénateur Taylor: Vous êtes beau joueur, n'est-ce pas?
Son Honneur le Président pro tempore: On a présenté une motion d'ajournement.
Le sénateur Cools: J'invoque le Règlement. Ce rappel a trait essentiellement à la question qui nous occupe, soit le projet de loi S-20, qui est supposé modifier, réformer et changer la façon dont les nominations importantes sont effectuées, et la procédure qui est suivie dans les circonstances. En fait, le sommaire du projet de loi précise notamment ce qui suit:
À cette fin, il institue un comité du Cabinet chargé d'établir des critères et des procédures de nature publique, il prévoit un processus de recherche et d'évaluation des candidats et il assure un suivi parlementaire des nominations.
Les nominations aux postes de Gouverneur général, juge en chef du Canada, président du Sénat, lieutenant-gouverneur d'une province, commissaire d'un territoire, juge de la Cour suprême du Canada et sénateur font l'objet d'un suivi obligatoire.
Voilà donc un projet de loi qui propose de modifier, de corriger, de réformer ou de changer la méthode utilisée pour faire des nominations à des postes importants au Canada.
Comme nous le savons tous, honorables sénateurs, le Président du Sénat a établi avec justesse dans un jugement précédent que le projet de loi S-20 doit recevoir le consentement royal, et c'est là l'essence même de mon rappel au Règlement.
Je serais heureuse de vous faire partager un élément de jurisprudence parlementaire. Le 30 mars 1911, lord Landsdowne, un des plus éminents spécialistes des questions parlementaires, a brillamment traité de la question de l'obtention du consentement royal par un sénateur de l'opposition. Nous sommes saisis, honorables sénateurs, d'un projet de loi qui doit recevoir le consentement royal, mais dont l'auteur n'est pas en mesure d'obtenir un tel consentement. Par conséquent, la procédure oblige le Sénat à déterminer comment ce projet de loi pourra aller de l'avant.
Je prie donc Son Honneur de répondre à la question que voici. Quelle est la procédure à suivre, selon la loi, pour qu'un sénateur de l'opposition puisse obtenir le consentement royal? Un sénateur de l'opposition ne peut laisser cette Chambre croire que son projet de loi obtiendra le consentement royal comme par enchantement.
Il est clair, il me semble, que ce projet de loi est à l'étude depuis un an et que si le gouvernement avait la moindre intention de l'endosser, il aurait fait savoir au Sénat qu'il se propose de...
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, on invoque à nouveau le Règlement.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je ne crois pas qu'un sénateur puisse invoquer le Règlement lorsqu'un rappel au Règlement est lui-même antiréglementaire. Le rappel au Règlement qu'on est en train de présenter contrevient au paragraphe 4 du commentaire 317 de Beauchesne, page 99 de la 6e édition, dont voici un extrait:
Les rappels au Règlement et les questions de privilège sont irrecevables lorsque la Chambre est saisie de la motion d'ajournement...
Or, nous sommes présentement saisis d'une motion d'ajournement.
Le sénateur Taylor: Ajournement de la Chambre.
Son Honneur le Président: Je me permets d'interrompre les sénateurs afin d'essayer de voir où nous en sommes: le sénateur Cools a effectivement pris la parole après que la motion d'ajournement eut été proposée. On a invoqué le Règlement sur la question de savoir s'il convient d'invoquer le Règlement lorsque le Sénat est saisi d'une certaine affaire, soit la question de savoir si le débat devrait être ajourné ou non.
Je vais demander aux services du greffier de m'apporter un exemplaire du Beauchesne afin que je puisse confirmer la citation du sénateur Kinsella.
Nous en sommes à ce rappel au Règlement, sénateur Taylor. Vouliez-vous intervenir au sujet de ce rappel au Règlement?
Le sénateur Taylor: Avant cela, je ne voyais pas comment quelqu'un qui avait proposé une motion pouvait ajourner le débat pour étouffer le débat ou empêcher qu'une question ne soit posée.
Le sénateur Kinsella: C'était le sénateur Tkachuk.
Le sénateur Taylor: Comme il s'agit de la motion du sénateur Stratton, il ne devrait donc pas pouvoir ajourner le débat. Il est vrai qu'il assiste le leader parlementaire, mais je ne crois pas que le pouvoir lui soit monté à la tête. Selon Beauchesne, il ne devrait pas avoir le droit de clore la discussion en ajournant le débat sur sa propre motion lorsque les choses se gâtent pour lui.
(1550)
Son Honneur le Président: En ce qui concerne le recours au Règlement du sénateur Kinsella, je ne suis pas certain que le sénateur Taylor en ait parlé, mais nous serons généreux. Le sénateur Cools peut intervenir au sujet de ce recours au Règlement.
Je voudrais fixer une période de temps au cours de laquelle j'espère entendre les trois questions qui nous sont soumises. Nous pourrions peut-être les traiter rapidement. Je vais entendre les sénateurs qui ont soulevé ces questions. J'entendrai les sénateurs une fois, puis je reviendrai aux autres. Je vais ensuite prendre la question en délibéré ou je rendrai une décision aujourd'hui.
J'ai entendu le sénateur Kinsella au sujet de ce recours au Règlement. J'ai étalement entendu le sénateur Taylor. Je vais maintenant donner la parole au sénateur Cools.
Le sénateur Cools: Je voudrais bien savoir comment on détermine quels recours au Règlement ont prépondérance par rapport à d'autres. Si nous examinons des recours au Règlement, j'ai invoqué le Règlement. Si nous avons de nombreux recours au Règlement, nous devrions peut-être les traiter l'un après l'autre, en commençant par le premier qui a été soulevé. De cette façon, nous passerions au deuxième recours au Règlement après que le Président aura rendu sa décision.
Il me semble que nous ne pouvons pas avoir deux recours au Règlement en même temps.
Mon recours au Règlement a précédé les autres. En fait, j'estime que la question qui est soulevée est une tentative pour interrompre le débat, l'étouffer et y mettre un terme. Ce n'est pas un recours au Règlement. Selon un principe bien établi dans cette Chambre, les recours au Règlement ne doivent pas servir à mettre un terme à des débats. On peut s'en servir pour prolonger les débats. Ils peuvent être utilisés pour faire de l'obstruction systématique. Ils peuvent servir à beaucoup de choses, mais pas pour mettre un terme à des débats.
De plus, nous avons également ce point suivant qui est extrêmement important. J'avais demandé le consentement pour pouvoir parler plus longtemps lorsque le sénateur Stratton s'est levé. Il n'a pas répondu à la question soumise au Sénat, qui était de savoir si j'avais ou pas la permission de terminer mes observations. Franchement, il essayait d'empêcher que cette question soit soumise au Sénat en essayant immédiatement d'ajourner le débat.
S'il est question d'établir un ordre, nous devrions régler cela. Le fait est que mon recours au Règlement porte sur la question importante dont nous sommes saisis, à savoir qu'un projet de loi est étudié de façon inappropriée, en violation de la Loi sur le Parlement et des règles de très longue date de cette enceinte. C'est l'objet de mon recours au Règlement.
Il est irrégulier que Son Honneur, le sénateur Kinsella ou qui que ce soit cherche à utiliser un rappel au Règlement pour faire déplacer un premier rappel au Règlement. C'est tout simplement contraire au Règlement.
Le sénateur Taylor: Elle n'a pas tort.
Le sénateur Cools: C'est contraire au Règlement. Je suis curieuse de savoir pourquoi le sénateur Stratton n'est pas disposé à entendre ces arguments.
Son Honneur le Président: Sénateur Cools, je vais essayer de régler certains des problèmes soulevés, afin que nous puissions passer à un sujet précis.
Honorables sénateurs, je n'en ai pas pour longtemps. Le sénateur Cools pourra reprendre la parole.
Le sénateur Lynch-Staunton: Prenez votre temps. Nous avons besoin d'une voix apaisante.
Son Honneur le Président: Je vais me prononcer sur plusieurs de ces questions. La première a trait au droit d'un sénateur d'intervenir pour ajourner le débat au nom d'une autre personne. Le sénateur Taylor a opposé une objection à cette pratique. À mon avis, l'objection du sénateur Taylor n'est pas fondée.
Je vais demander au sénateur Taylor de m'écouter. Peut-être cela nous aidera-t-il s'il le fait.
Cette objection n'est pas valable parce que la motion d'ajournement n'est pas une motion pouvant faire l'objet d'un vote. En vertu de notre Règlement, un sénateur ne peut intervenir plus d'une fois dans un débat. Le sénateur Stratton, bien qu'il soit intervenu au sujet du projet de loi, n'était pas habilité à le faire. Par conséquent, à mon avis — et c'est là ma décision —, il n'y a rien de répréhensible à ce qu'il propose l'ajournement du débat.
J'aimerais aussi régler la question soulevée par le sénateur Kinsella, à savoir s'il est permis d'invoquer le règlement lorsqu'une question est à l'étude à la Chambre. Cette question est la motion d'ajournement du sénateur Stratton.
Je n'ai pas eu l'occasion d'y consacrer beaucoup de temps, mais il est déjà tard en ce jeudi après-midi, et je vais trancher en autorisant le sénateur Cools à aller de l'avant avec son rappel au Règlement. Toutefois, je lui signale qu'une décision a été rendue à ce sujet, bien que je ne l'aie pas lue récemment et que, si ma mémoire est bonne, les dernières lignes de la décision précisent que l'on peut avoir un débat à ce sujet, même s'il s'agit d'une question qui exigerait l'assentiment royal avant d'être édictée. Toutefois, je ferai preuve de circonspection dans mes commentaires au sujet de cette décision.
Quoi qu'il en soit, pour que son rappel au Règlement soit recevable — et je vais écouter le sénateur pendant un moment —, il faut qu'il y ait du nouveau. Sinon, la question a été tranchée.
Par conséquent, je permettrai au sénateur Cools de terminer ses observations. Je passerai ensuite la parole à d'autres sénateurs qui souhaitent s'exprimer et, enfin, je prendrai le tout en délibéré ou encore je me prononcerai.
Le sénateur Cools: Merci, honorables sénateurs.
Le point sur lequel porte mon recours au Règlement n'a pas été traité dans la décision en question. Cela étant dit, permettez-moi d'invoquer la grande contribution que lord Landsdowne a apportée à la jurisprudence parlementaire en ce qui concerne les parlementaires de l'opposition et le consentement royal. Le 3 mars 1911, lord Lansdowne, qui était alors dans l'opposition à la Chambre des lords, a dit ceci:
... il est certes contraire à la loi du Parlement d'adopter à l'une ou l'autre Chambre un projet de loi touchant à la prérogative de la couronne sans avoir la sanction de la Couronne. Personne ne le contestera. Nous déduisons aussi de ces précédents que, bien que cette sanction puisse être signifiée à n'importe quelle étape, il convient de l'obtenir avant de présenter le projet de loi. Mais nous tirons cette autre conclusion en rapport avec les cas où l'opposition, et non le gouvernement, présente [...] le projet de loi. Le cas de la présentation d'un tel projet de loi par l'opposition diffère manifestement du cas de la présentation d'un projet de loi similaire par le gouvernement, car il est parfaitement juste de supposer que si le gouvernement se rend responsable du projet de loi, il peut compter à tout moment sur la sanction de la couronne. Cela n'est évidemment pas le cas lorsque le projet de loi est présenté par l'opposition ...
Lord Lansdowne a ajouté:
Nous en concluons donc que si un projet de loi touchant à la prérogative royale est présenté par l'opposition, il est indispensable que la sanction royale soit signifiée avant que le projet de loi ne soit effectivement présenté et, Vos Seigneuries, telle est la façon de faire que nous proposons d'adopter ce soir, avec la permission de la Chambre.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il appartient à la présidence de décider quand elle a suffisamment d'éléments pour rendre une décision sur un recours au Règlement. Il n'y a pas de règle de 15 minutes ou une autre règle du genre.
J'exercerai donc mon pouvoir discrétionnaire. Je vous prie de résumer vos arguments au cours des cinq prochaines minutes.
Le sénateur Cools: J'en ai pour une minute.
Ce que j'essaie de dire, honorables sénateurs, est clair et bien établi par la jurisprudence parlementaire, à savoir que le consentement royal est nécessaire et que le gouvernement a le pouvoir de signifier un tel consentement, mais que l'opposition ne l'a pas.
J'essaie d'expliquer que, au nom du droit du Parlement et de la prérogative législative de la reine, il incombe au sénateur Stratton d'informer le Sénat de la façon dont il compte s'y prendre pour obtenir le consentement royal, alors qu'il fait partie de l'opposition. La jurisprudence montre très clairement qu'il vaut mieux obtenir le consentement royal plus tôt que plus tard, et que lorsque ce consentement tarde, c'est uniquement du fait qu'il est présenté par le gouvernement.
Les cinq minutes dont je dispose ne sont pas écoulées, honorables sénateurs.
J'essaie d'expliquer que nous sommes en présence de deux systèmes juridiques. J'ajoute à ce sujet que je n'ai rien inventé dans tout ce que je viens de dire. Ce n'est pas de la fiction. Il s'agit du droit du Parlement, du droit qui régit le fonctionnement de notre institution et notre conduite. Ces deux systèmes se renforcent et se protègent mutuellement. En permettant qu'un projet de loi progresse de la sorte, on enfreint le droit du Parlement, sachant que ce projet de loi doit faire l'objet du consentement royal. Le parrain du projet de loi persiste à ne pas vouloir informer les sénateurs de la façon dont il compte s'y prendre pour obtenir ce consentement royal. Il nous demande d'appuyer l'initiative, mais il doit nous dire auparavant comment il fera pour obtenir le consentement royal. C'est ce que préconise la procédure parlementaire.
(1600)
L'honorable Marcel Prud'homme: Son Honneur vient de dire qu'il peut exercer sa propre prérogative. J'ai tendance à le croire. Son Honneur voudra peut-être prendre en délibéré tout ce qui a été dit jusqu'ici et nous faire part de sa décision la semaine prochaine. Je suis persuadé que tous les sénateurs seront d'accord pour laisser à la présidence le soin de trancher la question. Cela nous permettra de passer à l'ordre du jour.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je veux simplement faire consigner au compte rendu que, selon nous, le rappel au Règlement est irrecevable. Je n'accepte pas les arguments avancéspar le sénateur Cools. Nous sommes d'avis que le projet de loi S-20 ne nécessite pas le consentement royal. Même si c'était le cas, l'ex-sénateur Molgat a déjà rendu une décision à ce sujet.
De plus, il me semble qu'un sénateur n'a plus le droit d'intervenir au sujet de la forme du projet de loi lorsque ces sénateurs ont longuement discouru sur le fond de ce même projet de loi et ont ajourné le débat en leurs noms pendant quelque 27 jours. Pour ces motifs, je prie Son Honneur de déclarer le rappel au Règlement irrecevable.
Le sénateur Taylor: De toute évidence, le sénateur a raison au sujet des 27 jours. Nous avons peut-être eu l'impression qu'il n'aurait pas le front de revenir là-dessus.
Quoi qu'il en soit, à l'appui de mes collègues, je renvoie les honorables sénateurs au commentaire 559, à la page 173 de l'ouvrage de Beauchesne:
Les motions dilatoires permettent de différer temporairement ou définitivement l'étude de la motion principale.
Nous savons tous qu'en cas d'ajournement dans cette enceinte, il est possible d'interrompre indéfiniment l'étude d'une question.
Le même commentaire poursuit plus loin:
Les motions d'ajournement font partie de cette catégorie parce qu'elles peuvent servir à faire avorter un débat.
Je connais mon honorable ami d'en face. Je pense que c'est précisément ce qu'il essayait de faire.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je n'ai pas eu l'occasion de relire la décision que j'ai rendue à ce sujet. Je vais y jeter un coup d'œil. Il y a quelques nouveaux aspects. Je les examinerai et je communiquerai dès que possible au Sénat ma décision à leur sujet.
(Le débat est ajourné dans l'attente de la décision de la présidence.)
[Français]
L'ÉTUDE PRÉLIMINAIRE DES PRINCIPALES QUESTIONS DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ
RAPPORT DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'étude du cinquième rapport (final) du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense intitulé «L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense», déposé auprès du Greffier du Sénat le 28 février 2002.—(L'honorable sénateur Atkins).
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Lapointe voudrait faire quelques remarques sur cette reprise du débat sur l'étude du rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. La suite du débat restera au Feuilleton au nom du sénateur Atkins.
L'honorable Jean Lapointe: Honorables sénateurs, je ne comprends pas grand-chose à tout ce qui vient de se passer: les questions de points et de virgules dans les règlements et tout cela. Je trouve que cela prend beaucoup de place. Je serai bref. Possiblement que je devrais étudier encore 25 ou 30 ans afin de comprendre la moitié de ce que comprend le sénateur Cools.
Sur des points, des virgules et des règlements, je suis vexé qu'on perde autant de temps. Je reviens encore à mon allergie aux pertes de temps. Que les gens se rencontrent et en discutent en privé au lieu de faire perdre un temps énorme à tous ceux qui sont ici présents, qui ont des choses à dire et qui arrivent à la fin de la journée alors qu'il n'y a plus personne pour les écouter. Je vais me faire dire par le sénateur Cools que je n'ai pas trop d'expérience! Je le sais, mais du moins, je n'ai pas occasionné de perte de temps au Sénat jusqu'à maintenant, du moins je l'espère.
Honorables sénateurs, malgré les nombreuses interventions parfois fort judicieuses et intéressantes, parfois fort longues et ennuyantes de certains sénateurs, et malgré ma réticence à ce que notre gouvernement investisse plusieurs milliards de dollars dans les forces armées, je conviens qu'une intervention en ce sens s'avère probablement nécessaire.
À mon avis cependant, il me semble que si des milliards de dollars servaient à rendre justice à nos médecins, à nos infirmières et infirmiers, aux travailleurs de la santé enfin, notre population pourrait s'en porter beaucoup mieux.
Pour moi et pour un grand nombre de Canadiens, le rôle du Canada sur la scène internationale depuis bien des décennies a toujours été celui de pacifiste et mon vœu, c'est qu'il le demeure. Personnellement, je ne connais pas d'ennemis à notre pays.
Pourquoi le Canada devrait-il investir des sommes mirobolantes pour plaire à nos voisins du sud qui, au fil des ans, se sont créé d'innombrables ennemis? Doit-on toujours suivre la politique de domination à sens unique de l'impérialiste américain? Nous vivons dans un pays qui est le nôtre et je déplore que nous soyons trop souvent, malheureusement, à la merci des décisions de Washington.
Comme le disait récemment l'ex-ministre des Affaires étrangères, l'honorable Lloyd Axworthy:
La pire chose que nous pouvons faire, c'est aller main dans la main avec les États-Unis [...] Ce serait définitivement nous mettre en position de subordination.
Honorables sénateurs, une question me traverse l'esprit. Ne sommes-nous pas une nation? Ne sommes-nous pas assez grands pour diriger nos propres affaires comme bon nous semble? Je pose simplement la question.
Certes, les États-Unis forment une grande puissance et sont nos alliés, mais devons-nous faire chaque fois la génuflexion devant le président, les stratèges ou les gouverneurs de différents États? Dieu sait si, parmi ceux-là, on retrouve de joyeux bornés dont les ornières se limitent aux frontières de leur intelligence.
En conclusion, je conviens que le contexte actuel est difficile, mais de grâce, restons debout.
(Sur la motion du sénateur Atkins, le débat est ajourné.)
(1610)
L'AJOURNEMENT
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose:
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à mardi prochain, le 7 mai 2002, à 14 heures.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
(Le Sénat s'ajourne au mardi 7 mai 2002, à 14 heures.)